pitron metaux rares
 
L'industrie moderne se gave de "métaux rares" qu'il faut aller chercher à grands frais dans la croûte terrestre. Les conséquences écologiques de leur extraction sont fortement négatives pour les pays concernés (Chine, Indonésie, RDC, etc.) et donc pour la planète.
La Chine, qui contrôle directement ou indirectement une part considérable de ces ressources mondiales en minerais rares, en a fait un outil d'appropriation des technologies qui les utilisent et vise au monopole. Cela est plus ou moins su, mais n'a pas suscité des stratégies de défense solides de la part de l'Occident, exproprié de son savoir technologique. Cocu, mais content de payer ainsi peu cher son dernier smartphone ?
Ce sont ces deux sujets que ce remarquable essai, solide et documenté, explore brièvement d'une façon simple et vivante.
 
Les développements technologiques récents (électronique, spatial, voiture électrique, transition énergétique, pour l'essentiel) utilisent pour leurs composants les propriétés fantastiques des matières rares. Réduction de poids et de taille, efficacité énergétique, fiabilité, etc., sont les avantages principaux que tous les producteurs veulent incorporer dans leurs produits.Mais ces matières rares, comme leur qualificatif l'indique, se trouvent dans les minerais en proportion infinitésimale. Leur extraction suppose donc des excavations immenses, des traitements chimiques des broyats très polluants, etc. Peu à peu l'Occident a déporté cette activité sale vers les pays pauvres, peu regardants sur les conditions d'extraction. Paradoxe de cette industrie verte, tant vantée en Occident pour sauver le monde, grosse utilisatrice de ces technologies, qui, en fermant les yeux, pollue à tour de bras les pays lointains. La pollution verte. Une voiture électrique aujourd'hui pollue plus qu'un véhicule classique lorsque ces considérations sont intégrées, ce qui n'est pas le cas dans les rapports habituels.
 
Sa richesse minérale a suggéré à la Chine une stratégie d'appropriation des technologies qui a fonctionné et fonctionne encore. Elle consiste à contraindre les pays à délocaliser leurs industries utilisant ces matières rares chez elle. Comment ? Il y faut quatre étapes.
D'abord, ayant le pouvoir de contrôler ses prix, elle les fait baisser suffisamment pour ruiner les concurrents miniers non chinois. Elle crée en même temps une habitude de consommation de matières rares à bas prix.
Elle devient donc le fournisseur presque exclusif des matières rares aux utilisateurs occidentaux, mais elle ferme alors peu à peu ses frontières à l'exportation de celles-ci. La matière rare renchérit et devient de plus en plus rare.
La Chine propose ensuite aux utilisateurs un marché : implantez-vous en Chine et vous disposerez des quantités nécessaires à bon prix. Et ça marche !
Enfin elle assortit la pérennité de sa fourniture de matières rares à une mise à disposition de la technologie utilisée, qu'elle diffuse discrètement dans le tissu industriel chinois.
Le tour est joué et les produits chinois remplacent peu à peu les produits délocalisés. En quelques années, non seulement le pays occidental se désindustrialise, mais il perd son savoir-faire. Le livre aligne les exemples.
 
Il montre aussi l'incroyable passivité dont l'Occident a fait preuve jusqu'ici. Mensonge sur le coût écologique réel des "industries vertes" qui ne le sont pas pour tout le monde. Mensonge aussi sur l'épluchage programmé des pays occidentaux de leur compétence technique. La Boétie n'aurait pas récusé ce cas de servitude volontaire... Seuls Les USA de Trump semblent inquiets, mais il n'est pas évident que les mesures prises soient très efficaces. Comme d'habitude, l'Europe est muette et paralysée.
 
Ce livre est beaucoup plus riche que cette fiche ne le laisse croire. Il aborde, par le biais des terres rares, un nombre élevé de sujets de politique nationale et internationale, généralement fort peu débattus par ailleurs. De plus, il est facile à lire et son travail de documentation ne l'alourdit pas. Sa lecture devrait être obligatoire pour devenir journaliste ou ... écolo ! Il a reçu le Prix du Livre d’Économie en 2018... et 7 autres !
 
​Les Liens Qui Libèrent (2018), 295 pages