beigbeder fin
 
"J'ai créé plus de beauté avec mon sperme qu'avec le travail de toute une vie". Le ton est donné sur l'immense respect que l'auteur porte à son nombril et à ce qui pend un peu en dessous. Chacun sait, n'est-ce pas, que ce qui fait la beauté d'un enfant est le sperme de son père présumé ? Dans ce climat d'un égotisme envahissant, quoi de plus naturel que de rechercher la préservation éternelle de ce moi resplendissant ? Alors, éperdu d'immortalité, l'auteur passe en revue tous les gourous plus ou moins sérieux qui prétendent prolonger la vie. Intéressant trajet, mais mené sur un ton persifleur qui est au fond un art éprouvé de ne pas se mouiller, mais ne permet jamais au lecteur de se construire une opinion quelconque sur les pistes présentées. Un gâchis ?
 
S'il est une chose que tout au long de ce récit l'auteur ne réussit pas à cacher, c'est son infatuation. Là, la dérision qui imprègne tout le reste n'a pas place. La ferveur de ses fans l'a placé dans l'Olympe au niveau des Dieux. Par exemple, la muflerie de ses interviews signe le niveau où il se place ! Ce que le livre rapporte est sans doute assez loin de ce qui a eu lieu ; dans les termes exposés, les discussions auraient sans doute été brèves et les tutoiements plus virils.
 
Il n'en reste pas moins que les sujets abordés auraient pu être intéressants. Quelles pistes existent, en effet, dans les découvertes faites ces dernières années en biologie, pour prolonger la vie ? Il y en a de nombreuses, rapportées par ce livre qui ne distingue d'ailleurs pas toujours la prolongation de l'existence du traitement des avanies de l'âge. Chaque interview est l'exposé par un entrepreneur-alchimiste des techniques qu'il propose, souvent présentées comme souveraines, alors que les tests cliniques sérieux n'ont pas été faits. On sent ici la folle séduction des sommes considérables que les riches bobos sont prêts à dépenser pour vivre un peu plus longtemps et qui induisent les investisseurs interrogés à promettre un miracle. On notera aussi au passage la carence des institutions de santé face à cette filouterie qui se fait en toute impunité.
 
Or notre auteur n'a ni les compétences, ni la méthode, ni sans doute la rectitude qui auraient pu faire un peu de tri. C'est dommage, car, même si des charlatans s'en emparent, la considérable percée des techniques nouvelles, en particulier géniques, aura un impact sur notre futur, pour autant que le travail de recherche soit fait dans les règles et non comme une vache à lait à rendement rapide. Le roman ne s'interroge d'ailleurs jamais sur l'aspect crapuleux de ce business et le fait qu'il traite tout en dérision ne nous aide guère à y voir clair. La pirouette finale n'arrange rien. Le fumiste est-il l'interviewé, l'interviewer, ou les deux ?
 
Quant aux traits que l'auteur veut bien nous livrer de son immense personnage, on hésite entre ceux d'un collégien ou d'un élève du primaire. Le queutard amateur d'émotions chimiques fait pencher vers le premier. Ses élans affectifs où tout se rapporte à sa personne m'évoquent plutôt le second, anxieux de l'amour qui lui est porté, encore trop immature pour en éprouver pour autrui, y compris ici pour ses enfants qu'il traite comme des jouets. Un livre pour rien ?
 
Poche 35519 (2018), 350 pages