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Attention, piège ! L'auteur joue avec la patience de son lecteur et ouvre son texte sur une réflexion métaphysique et symbolique à propos de la vie et de sa création. A celle due aux dieux succède celle d'un "Golem" selon la tradition ésotérique juive, puis celle d'une vie humaine, toutes ayant avec la mort, des liens proches. Le roman bascule alors dans le récit d'un amour vécu par le narrateur, créateur par ailleurs d'une ébauche de vie en laboratoire. Il sait que cet amour interrompu sera le seul qui aurait, dans son existence, mérité ce nom, mais il sait aussi que sa faiblesse l'a trahi. Un très beau livre, pétillant d'intelligence et facile à lire, une fois passée l'épreuve initiatique des premières pages.
 
Alors la vie ? Création divine, création ésotérique humaine, activité sexuelle de l'espèce ? Ou, comme une onde quantique les trois à la fois et l'un plutôt que l'autre selon l'expérience vécue ? L'auteur ne manque pas de montrer les ratés divins lors cette honorable tâche, reprise plusieurs fois et sans doute pas encore totalement aboutie. Beaucoup d'humour accompagne cet état des lieux, comme un paysage qui sert de toile de fond à l'intrigue proprement dite. 
 
Et si les dieux ont eu des ratés au cours de cette création de la vie, le narrateur, capable de créer une vie artificielle et aspirant au prix Nobel à ce titre, va pour sa part se heurter à la dureté de l'expérience de procréation humaine. La mort réclame son dû et l'obtient. Et, en dépit de son amour pour sa partenaire, il ne saura pas partager avec elle le fardeau affectif de cet échec. La longue et détaillée relation des faits qu'il fera sous forme de lettres adressées à cet enfant mort-né est d'une sensibilité touchante, souvent même poétique. Sa compagne ne lui pardonnera jamais sa faiblesse ni son absence aux moments critiques de cet accouchement tragique. Il faut être soi-même bien certain de sa parfaite vertu pour manifester une telle rigueur...
  
Le narrateur, conscient de perdre ainsi la seule femme qu'il pense pouvoir aimer, va se livrer à des tentatives naïves et infructueuses de rétablissement du couple qu'il a détruit. C'est à mon avis la partie la moins réussie du livre et sans aucun doute la moins originale. Mais cela n'enlève rien de la qualité de ce qui précède et qui fait de ce roman une belle réussite.
 
Gallimard (1998), 290 pages