king dome
 
Même si je n'ai pas été tout à fait enthousiasmé par ce roman de science-fiction, après avoir eu l'occasion de lire le tome 1, je me suis précipité sur le tome 2 pour connaître le dénouement. Bravo à l'écrivain pour savoir, avec autant de talent, capter un lecteur critique ! Et même si je déplore la complaisance ici manifestée à l'infect et parfois à l'infâme, je reconnais bien volontiers que le récit de la portée à ébullition de la population d'une petite ville américaine "normale" est un chef-d’œuvre d'observation, plein d'acidité, des réserves de vilenie autant que de grandeur de ses habitants. Voici plus de 1500 pages qui se digèrent sans peine !
 
 Le style, d'abord. Nous sommes en permanence au cœur de l'action. Airs et récitatifs s'enchaînent, c'est-à-dire dialogues brefs et courts exposés. Pas de recul ou de digression. Pas d'effets d'écriture subtils. Du direct, du vivant chaud et palpitant. Tant pis pour les amis de Proust ou de Heidegger. Si méditation il doit y avoir face à ce qui nous est conté (et il doit y en avoir une), c'est notre travail de lecteur. L'auteur nous fournit la matière brute ; à nous de la mixer avec notre grise si l'envie nous en démange. Quant à la langue, elle réussit souvent à être ce qu'elle veut être : merdeuse, parfois jusqu'à la nausée. Ainsi est créée à ce prix, par les dialogues qui accompagnent des actes aussi merdeux, l'ambiance d'un pouvoir capturé par des voyous.
 
Car c'est bien là le fil conducteur du roman. Isolé du monde par un événement brutal, notre village se retrouve sous la coupe de ceux qu'il avait élus sans trop y réfléchir ni sans savoir ou voulu savoir. Ils avaient du bagout, savaient récompenser leurs fidèles, semblaient dynamiques. Ils sont en fait criminels, assassins, jouisseurs et j'en passe. Trop tard pour réfléchir, car en milieu clos leur emprise sur le pouvoir et ses attributs est vite totale et ceux qui les contestent ou posent des questions ne le font pas longtemps. C'est cette sorte de nazification qui est ici fascinante. Promotion des minables, distribution d'armes à ceux qui sont du bon côté, justice réduite aux pulsions des "chefs", fabrication de fausses preuves, destruction programmée de toute institution, etc. Hitlérisme et soviétisme ont été nos grands modèles, sans détenir l'exclusivité !
 
Le tableau ainsi dressé par l'auteur est sombre. Passé un certain seuil de laxisme, la raison déserte et seule la violence peut mettre un terme à cette déliquescence sociale. Ici, par l'absurde, puisqu'il faudra à peu près autant de morts qu'il y avait de vivants pour y remédier. Ce livre nous rappelle qu'être exigeants vis-à-vis du bagage de ceux que nous choisissons comme dirigeants n'est pas un choix ! Une autre offrande à l'absurde, pleine de poésie, est la méthode qui permettra aux quelques survivants de lever le blocus. Il fallait bien en terminer...
 
Si l'on accepte la complaisance de l'auteur pour la crasse et le sordide, dont une bonne partie est du pur racolage, on peut dire que ce livre est un utile avertissement à ceux qui croient pouvoir se passer de voter ou de défendre leurs institutions. De leur tombe, les dictateurs criminels les encouragent et les remercient, qu'ils aient ou non bénéficié d'un dôme, physique ou intellectuel.
 
Livre de Poche (2009) Tomes 1 & 2,  829 et 735 pages