"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
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L'une, qui conduira très vite à fermer le livre, est de ne trouver dans ce texte que les vaticinations gratuites d'un bon à rien, entretenu, instable, mais fanatique, solitaire, une sorte de "bobo" mal élevé donnant des leçons de conduite et de morale à l'univers entier. Il aurait sans doute été écologiste décliniste dogmatique à notre époque !
L'autre lecture, plus littéraire et plus tolérante, est d'essayer de suivre les méandres de cette non-pensée en phase terminale et de chercher dans ses replis. On n'écrit pas 500 pages pour ne rien dire. L'extrême bonté d'âme des lecteurs de ce site, bien que fortement sollicitée ici pour lire ce drame, les conduira sans aucun doute à cette seconde forme de lecture. Je ne suis pas encore convaincu que ce soit mon choix.
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Thomas Bernhard est un écrivain autrichien de langue allemande, né en 1931, dont la vie fut un combat fréquent contre la maladie. Il le perdra en 1989.
Ce roman, de 1978, décrit une phase de cette lutte, et une victoire, provisoire, de l'auteur. Il nous raconte comment ce dernier prit une "décision" de vivre, à demi inconscient dans le mouroir d'un hôpital sinistre. Et cette décision est un révélateur, une renaissance qui donne à TB l'opportunité d'une vue sans faux semblant sur lui même, sur ceux qui l'entourent et sur la relation entre lui et eux.
La mort des autres, la réification de ces corps qui ont perdu leurs propriétés d'humains, la supériorité autoritaire des soignants, la solitude du mourant et la proximité angoissante de sa propre mort, tout cela est décrit par TB avec une simplicité , une sincérité que je n'avais jamais trouvées ailleurs. A cela s'ajoute la révélation qu'il y a, tout près de cette vie qui fuit, des choses importantes qui valent la peine de décider de lutter pour survivre : un grand-père qui a laissé dans le coeur du narrateur des pensées importantes et chaudes qui donnent un sens au monde, une mère méconnue qui se révèle et, tout au bout, lorsque la solitude est là, la communion avec la pensée des hommes par la lecture des livres qu'ils ont écrits. Tout cela est bien autocentré, dira-t-on ; se reconstruire est en effet le thème de ce livre et s'affirme ici comme la priorité de celui qui a failli tout perdre, même sa vie.
Le style est original : de longues phrases, un ton uniforme, un murmure, une confidence qui ne veut rien oublier car tout peut, à tout moment, basculer.
Un bon livre, sensible et puissant.
Éditions NRF Gallimard 1983
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