binet fonction langage

 

Un livre délirant, original, mais qui parfois nous transporte un peu loin. On peut penser à un règlement de comptes de l'auteur avec la mafia "intellectuelle" parisienne qui avait la cote dans les années 80. Usurpateurs ? Stériles en tout cas...

 

Les "penseurs" de cette époque ont, pour l'essentiel, disparu. LB les imagine assoiffés de pouvoir, d'honneur universitaire et de sexe, genres confondus et mélangés. Il en fait les acteurs bouffons d'une aventure policière dont l'origine est l'accident mortel de Roland Barthes, renversé par une camionnette. Accident qu'il transforme en meurtre dont le mobile est la détention d'un secret qui donne à celui qui le détient le pouvoir que ses paroles s'accomplissent. Un pouvoir divin qui vaut bien les incroyables péripéties du roman, provoquées par tous ceux qui ont voulu le posséder. Les dieux doivent être jaloux... Ce merveilleux secret est bien entendu convoité par ceux qui, en 1980, désiraient le pouvoir politique. Cela nous vaut quelques moments croustillants dans la proximité de Giscard et de Mitterrand.

L'art de LB est grand. Il va mêler les personnages connus, réels, dont il conserve les propriétés de notoriété publique, dans une fiction effervescente où les événements débridés ne peuvent avoir, eux, aucune réalité. Il transforme (est-ce vraiment une transformation ?) ces professeurs, docteurs, maîtres à penser, gourous d'un temps, en bouffons avides et jouisseurs, capricieux et vaniteux. Certains y perdront certes une phalange, les testicules ou une main, mais surtout tous y sont diminués, châtrés par la force bouillonnante du récit. Lorsqu'on constate que leur pensée réelle aura en fin de compte laissé une trace aussi mince dans le monde qui les a déjà en grande partie oubliés, on peut penser que LB procédait à une transformation en marionnettes qui n'était pas sans rapport avec la réalité.

Alors on ne s'ennuie pas, d'autant que LB écrit bien et avec assez de légèreté. Sa grande érudition sur cette science des mots le conduit parfois, à des péroraisons un peu longues et peu digestes. Rien de mortel quand même ; on conserve ses phalanges et ses couilles.

Grasset (2015) - 496 pages