todd charlie

 

Ce livre doit être lu avec beaucoup d'attention. Ceci explique les âneries orales et écrites qui ont célébré sa sortie. Ce n'est certes pas la Bible (heureusement !) et ses conclusions sont discutables. Mais il n'est ni anodin, ni délirant, ni désespéré. Et la mascarade "Je suis Charlie" révèle d'inquiétants courants profonds. A lire, si possible deux fois.

Rappelons d'abord que ET est historien et anthropologue et que sa thèse est fondée sur les outils de cette profession. Sans prouver absolument, il montre des faits, des concordances, des déclarations, des vides et s'appuie là dessus pour formuler ses hypothèses. Attendez-vous à des tableaux, des cartes, etc. Ses positions sont souvent bien argumentées. Et on sent aussi, assez souvent, une "gauchalgie" sympathique, même si on ne la partage pas.

 

Une thèse (assez...) simple.

La France a vécu deux vagues fortes de déchristianisation : 1789 et 1960. A l'exemple de ce qui s'est passé partout ailleurs dans le monde, lorsque le dieu meurt :
- on en cherche et on en trouve vite un autre.
- on conserve longtemps les valeurs qui encadraient la société d'où le dieu s'est fait la malle. On devient, dit ET, un "zombie" de cette religion.
- et tout cela se déroule dans des convulsions : révolution de 1789 en France, triomphe nazi où vous savez, dictature totalitaire des rouges, etc. Le couvercle de la marmite a sauté.

A cela se combine une autre composante constitutive des sociétés humaines, la valeur d'égalité. Comprenons-nous : le droit d'aînesse est inégalitaire, alors que le partage égal de l'hoirie entre frères et soeurs est égalitaire, l'éducation identique pour filles et garçons est égalitaire, l'idée d'élus du dieu ou de prédestination est inégalitaire, etc.

La France présente ainsi deux grandes masses de citoyens :
- les déchristianisés de 1789 qui possèdent majoritairement le fond anthropologique d'égalité et ont constitué les gros bataillons de la République : Ile de France, Centre, Aquitaine et le Sud méditerranéen.
- les autres, déchristianisés depuis 1960, mais encore "catholiques zombies", attachés aux valeurs inégalitaires. Ils sont en cela très proches de l'Europe du Nord "protestante zombie" et de leurs choix économiques (l'Euro par exemple) et politiques (traitement des immigrés, p. e.).

Et Charlie ?

Le rapprochement des cartes des manifestations et de la structure anthropologique de la France montre que ce n'est pas la France républicaine égalitaire qui a manifesté, mais la France "catholique zombie", inégalitaire représentée aujourd'hui par le pouvoir en place, pour lequel la France républicaine égalitaire ne vote plus (là aussi, les cartes donnent une indication forte). Nous sommes donc aujourd'hui dominés par la philosophie inégalitaire de l'Europe du Nord (que ET appelle les néo-républicains) et par un socialisme qui a changé de costume. Et ce n'est sans doute pas l'UMP qui y changera quelque chose.

Cela a des conséquences soulignées par ET :
- le racisme s'y nourrit : voir certains de nos voisins d'Europe du Nord.
- l'Islam est le bouc émissaire idéal (il empêche l'assimilation !) alors que, comme ET le montre, l'assimilation (mariages mixtes, éducation, emploi, etc.) a fait des progrès considérables, freinés par les contre-performances économiques de la zone euro, le Veau d'Or des "catholiques zombies" et autres inégalitaires.
- le multiculturalisme (le droit à la différence !) fait peu à peu ses ravages, encouragé par nos gouvernants.
- le FN récupère (adorable paradoxe !) les égalitaires Français délaissés par le socialisme "tendance". L'UMPS a un sérieux fond de réalité.
- la France "néorépublicaine" est le bataillon au service du Deutsche Mark, pardon, de l'Euro. On a les dieux qu'on peut... Et pour l'Allemgne c'est moins risqué et moins coûteux qu'une conquête.

Arrêtons-nous ici, même si le livre contient beaucoup d'autres considérations, dignes d'attention, à découvrir par une lecture attentive. Ne commettons pas, bien entendu, l'erreur de penser que cette typologie explique tout. Elle est un éclairage et il y en a d'autres. Néanmoins, ce texte secoue le lecteur et indigne ceux qui croient incarner une tradition qu'ils ont lâchée. Excellent ! Que les arguments pleuvent et que la bataille fasse rage pour notre joie. Quant aux anathèmes, laissons-les à ceux qui n'ont rien d'autre.

Un regret, seulement : que ce livre ne mentionne pas que nous sommes en guerre avec l'islamo-fascisme extrémiste et que, quelque soit le désir de tolérer une religion importée supplémentaire, elle n'a aucun droit sur les lois de la République. Les lâchetés d'élus face aux voix qu'ils risquent de perdre font peur.

Une question, cher lecteur (terme générique incluant les deux genres et les autres), égalitaire ou pas ? La réponse n'est pas simple.

Seuil (2015) - 245 pages