cheng beaute
 
FC a tenté, dans cet essai, de cerner ce qui permet à l'homme d'affirmer la beauté. Nul ne peut dire s'il a réussi ou échoué ; mais sa contribution est passionnante autant que parfois difficile d'accès.

Une remarque pour commencer : FC n'épuise pas le sujet, car même si je suis sensible à la beauté, et souvent à celle-là même que décrit FC, je partage rarement sa position théorique. Il doit donc y avoir autre chose...

Cet essai ne se résume pas, mais il ne semble que l'on peut constater que FC articule sa pensée autour de certains pôles fédérateurs, que je tenterai de rapporter ici, sans égard à l'ordre dans lequel ils apparaissent dans le livre.

- La beauté est objective et même si sa révélation ne se fait qu'à travers l'échange, le commerce de l'homme et de la beauté, cette beauté préexiste à cet échange. Le monde des Idées de Platon, ou le néo-platonisme finaliste de Plotin ne sont pas loin, ce qui montre d'ailleurs combien FC s'est éloigné de sa culture chinoise d'origine et a épousé nos mythes.

- Un autre axe de réflexion est l'affirmation que la beauté ne se révèle que dans un mouvement, dans une attente, un désir. Ce mouvement conduit vers cette beauté supposée objective, mais transcendante à notre existence et dont la splendeur nous frappe. Mouvement compris à l'intérieur d'une vie (d'expérience en expérience) mais aussi inscrit dans une évolution plus vaste.

- Un troisième axe procède de la constatation que cette transcendance (même s'il ne le dit jamais nettement) est, au fond, la forme que peut prendre notre attende du divin. Image voilée, lointaine d'une perfection qui transparait parfois dans le regard en extase du spectateur. Beauté, bonté, se rejoignent là-bas où notre désir nous attire, c'est-à-dire en Dieu.

- Dernier pôle, un peu paradoxal, qui apporte une heureuse réserve à cette montée mystique vertigineuse, la référence au regard chinois, pragmatique, et qui, au fond, rappelle que la perception de beauté fait partie du monde, de son souffle, de sa loi et est, comme toute chose, un équilibre fragile et fugitif.

On a senti, je pense, ma réserve sur les trois premiers points. C'est, pour moi, à un jeu subtil avec les mots que se livre FC, mais dont la réalité m'échappe. Je ne vois dans le mot de beauté qu'un accord, une résonance fugitive entre mon éphémère personne et un univers, non moins changeant, où je suis et dont je suis. Un mot imprécis qui tente d'exprimer ce que recouvre un rapport personnel entre une image, un son, un rythme et ma sensibilité, rien de plus. Un accord parfois si fort que je le partage avec mes semblables. Accord souvent faible, infiniment personnel. Je n'ai besoin ni d'un dieu, ni de son paradis illusoire pour m'expliquer la beauté. Il n'y a pour moi, derrière elle, aucune réalité extérieure objective. Elle n'est qu'un simple accord passager dont la résonance s'éteint vite et dont, il est vrai, la réalisation fugitive me donne le désir d'en vivre une autre.

Je suis reconnaissant à FC, dont le livre "Le vide et le Plein" a été pour moi une clé, de m'avoir donné l'occasion de cette réflexion.
 
Albin Michel (2006) - 165 pages