bailly vers poussiere

 

La mort du héros met souvent un terme à sa carrière. Pas ici, où son cadavre joue une mélodie en mouvement décalé, créant une polyphonie inhabituelle avec son existence consciente. Etrange, non ?

Ce décalage est voulu par l'auteur. Il fait se succéder par blocs de quelques pages, l'évolution de la vie d'un grand pianiste et celle de son cadavre. Un enfant manifeste des dons exceptionnels pour la musique et en particulier le piano. Il en fera sa carrière, réussie jusqu'à un certain point, en dépit de son insupportable laideur. (Mais, pourquoi est-il si laid ?) Puis, victime de sa tension extrême, de sa solitude et de la réduction de sa vie à une machine à jouer, il se casse à 25 ans.

En parallèle se déroule l'autre existence, celle de son cadavre, aussi seul que l'homme avait été pendant sa vie. Rien ne va nous être épargné de cette progressive décomposition et de ses phases, décrites ici avec un détail presque maniaque : transformations chimiques, physiques, biologiques, aidées par des cohortes d'insectes spécialisés aux noms poétiques, comme Sarcophaga carnaria (belle bête !) ou Nécrophorus fossor... Véritable découverte pour l'ignorant que jusque-là j'étais !

Au delà de ce qui apparaît parfois comme une volonté de performance dans l'étrange, le livre est un morceau de bravoure qui se lit fort bien et qui trouve son équilibre dans le ton distancié et souvent plein d'humour de JLB.

Un des romans les plus originaux qui m'aient été donnés de lire.

Arbre Vengeur (2010) - 172 pages