guillebaud commencement monde

 

Cet essai expose la multiplicité des influences réciproques des civilisations les unes vis-à-vis des autres au cours de l'histoire récente et le métissage des idées et des concepts qui façonnent les sociétés réelles. Il met aussi en évidence le manque de pertinence des concepts de "guerres de civilisations" ou des fondamentalismes qui cachent la réalité sous des dogmes.

 

L'occident a cru que ses valeurs, issues des "Lumières", avaient valeur d'universalité (raison dominante, droits individuels, etc.). Les colonisations, ont certes été des vecteurs de métissages (science, démythification du réel, économie, etc.), mais elles se sont avérées plus destructrices qu'intégratrices. De plus, l'occident, coupable d'excès meurtriers (guerres européennes puis mondiales, marxisme scientifique criminel, usage du nucléaire militaire, pillage de la nature, etc.) a créé un rejet des "valeurs" qui avaient conduit à cela.

Un refus généralisé s'est alors exprimé (décolonisation et refuge dans des valeurs propres), souvent violent, excessif, dictatorial et dogmatique (Japon, Iran, Amérique latine, etc.). L'histoire montre, en revanche, que ces périodes de refus ne sont pas éternelles et que les avantages d'une certaine modernité et d'une intégration au monde finissent par prévaloir à terme sur le retrait et l'isolement.

La modernité prend alors des formes locales, mouvantes, concrètes, qui sont celles que l'on voit éclore autour de nous, riches en aller-retour et qui renvoient à leur inefficacité les refus violents. Par exemple :

- Certains islamismes modernes s'affirment : Turquie, Indonésie, peut-être Egypte. On pense aussi à ce qui pourrait se produire de nos jours (2011) au Moyen-Orient.
- La Chine, pragmatique, en pleine mutation culturelle, mais qui effraie par sa dépendance au mondialisme économique.
- L'Inde, parangon des métissages (hindous, islamistes, bouddhiste, sikh, etc.) qui a surmonté son fondamentalisme hindouiste.
- L'Australie métissage original.
- L'Indonésie, etc.

De tout cela ressort clairement la provincialisation de l'universalisme occidental qui doit abandonner de sa superbe, plombé par ses échecs. Ce qui n'est d'ailleurs pas en contradiction avec le fait incontestable que ses concepts ont fécondé le monde. Mais ils avaient rêvé de le façonner à eux seuls. Les USA ne semblent pas encore l'avoir bien compris et l'Europe est trop faible pour être arrogante, sauf en paroles.

C'est donc un monde métis qui construit localement, pratiquement, des solutions pour répondre aux problèmes qui se posent à chacun des groupes humains et à leurs aspirations propres. Il n'y a pas de solution toute faite, théorique, universelle, rationnelle ou révélée. Les Lumières, les Dieux et les Traditions sont les ingrédients d'un gâteau que chaque société a la tâche de fabriquer à son propre goût.

 

Points No 646 (2008) - 490 pages