schiller wallenstein

 

Les ambitions qui échouent signent les actes infâmes d'êtres infâmes. Les actes issus de celles qui réussissent manifestent le génie des héros nimbés de sublime pureté. Et, de tout temps, nous y croyons. N'est-ce pas Staline, Mao, Soros, etc., noirs héros ? C'est ce que cette pièce de théâtre explore, en mettant en scène un général d'exception, un alter-impérialiste si j'ose écrire, qui se rêvait Empereur à la place des Habsbourgs.

 

La guerre, ici la terrible guerre de 30 ans, était alors le terrain où se faisait la gloire et où s'acquérait la puissance et la richesse. Nous y avons substitué le terrain des "affaires" où on ne tue plus les soldats, mais où ils s'évanouissent dans l'anonymat grisâtre des plans sociaux. Est-ce mieux ? Certes, même si on peut (et doit) rêver d'un monde meilleur.

Wallenstein à tout réussit en partant de peu. Son armée, plus forte que celle même de l'Empereur, est constituée de bataillons bigarrés, essentiellement mercenaires, commandés par des généraux qui lui répondent. Il a, pour un temps, mis cette force au service de l'Empire, qui l'a fait son "ministre de la guerre". Il croit à la fidélité éternelle de ses généraux et même à l'épreuve de sa propre trahison vis-à-vis de l'Empereur, lorsqu'il décide de travailler pour ses propres intérêts. Il se trompe et en paiera vite les conséquences.

Au-delà de l'intrigue historique que FS met parfaitement en scène, c'est l'exposé vivant des débats de conscience de ces hommes qui rend ce livre exceptionnel. Tous sont partagés entre leur fidélité à un Empereur un peu distant et Wallenstein, bien présent et d'un charisme indiscutable. Ils savent aussi que le mauvais choix, ou simplement le mauvais moment, peuvent conduire à la ruine.

Wallenstein lui-même, conscient que sa haute ambition ne peut pas aboutir dans le cadre existant de l'Empire, sait que sa trahison ne deviendra juste que si elle conduit au succès. Elle échouera et ne restera pour l'histoire qu'une trahison, qui aura ajouté ses propres drames à ceux de cette effroyable guerre, qui n'en avait pas besoin.

Ce livre est encore bien actuel dans ses questions, même si les motivations doivent être transcrites dans le monde des affaires ou le monde politique. Sans pour autant penser que ces jeux d'ambitions, réels, forment à eux seuls une stratégie ou même l'essence d'une stratégie. Le monde des affaires et ses stratégies, que je connais un peu, ont d'autres ressorts. Il en allait de même pour l'Empereur d'un peuple épuise, pressuré, et c'est sans doute ce que Wallenstein n'avait pas compris.


L'Arche (2005) - 330 pages