tertrais guerre
 
La politique internationale des USA mérite plus que les invectives habituelles, qui traduisent au mieux de "bons sentiments", mais surtout une ignorance de la situation du monde et en particulier de celle des USA. Sans que cela soit une approbation.

Ce livre apporte en moins de 100 pages un panorama synthétique des forces politiques américaines que le 11 septembre n'a pas créées, mais révélées. C'est pour les mettre en oeuvre que Bush avait été élu ; le drame a levé les hésitations et rassemblé le pays. Elles transcendent aujourd'hui le clivage démocrates/républicains.

L'Amérique fonde sa stratégie sur sa constatation de l'impuissance des organismes existants devant les formes nouvelles de guerre et la prolifération des armes, tout particulièrement chimiques, bactériologiques et nucléaires. Elle a su à temps enlever à l'ennemi l'espoir de contrôle du Pakistan. Elle sait que toute négociation ou compromis est impossible et que seul, l'usage ciblé de la force peut contenir la menace. Elle n'admet pas par ailleurs l'égalitarisme de l'ONU : tous les états ne sont pas égaux. Le réalisme à la Kissinger n'est plus de mise, ni l'isolationnisme. Le confinement ne suffit pas, le 11/9 l'a prouvé.

A cela s'ajoute la puissance de mouvements internes aux USA, tels que les évangélismes fondamentalistes qui ont envahi la scène politique, et bien d'autres courants de pensée comme le refus de l'égalitarisme ou plus généralement des "Lumières" rendus responsables des dérives matérialistes. Sans oublier le poids de la défense du monde juif, ni le prosélytisme (qui s'en plaindrait ?) démocratique.

C'est donc dans ce contexte que les USA, seuls capables de la puissance et de la capacité d'action rapide, mènent une nouvelle politique d'intervention militaire directe et d'alliances bilatérales. Ils écartent les pactes collectifs impuissants, comme ils écartent une Europe sans existence politique, sans projet donc, et de plus bavarde. A cela s'ajoute la fin de l'effet "dissuasion" sur le nouvel ennemi qui cherche d'ailleurs à se doter des armes des "grands", convaincu que sans arme de destruction massive, aucun dialogue n'est possible avec les USA.

Ce livre nous aide aussi à mieux comprendre la perception si différente de la nôtre du noeud moyen-oriental. Ont-ils raison ? Il me semble que sur ce point, le livre sous-estime l'impact du conflit Israël-Palestine, foyer permanent de haine et de prétextes politiques. Qui d'ailleurs en souhaite vraiment la fin ?

Il conduit aussi à une vision pessimiste du futur proche, dominée par le choc d'un Islam où l'écart entre les fondamentalistes et les autres s'amenuise. Nul ne voit en effet aujourd'hui d'où pourrait provenir un rapprochement entre ces cultures pré-modernes (refus du progrès, domination de la vie civile par les dogmes religieux, haine de la science etc.) que sont l'islam et les évangélistes fanatiques américains qui dominent la scène politique US. Encore y a-t-il aux USA une tradition démocratique qui permet un balancier. Une nouvelle guerre de trente ans ? Sans parler de la Chine, qui pourrait devenir une préoccupation majeure de la politique US des années à venir.

Un livre remarquablement documenté, dont on peut ne pas partager tous les points de vue, mais qui pose dans son contexte le décor de notre monde géopolitique actuel dominé par la stature des USA.
 
Editions Seuil - La République des idées (2004) - 96 pages