brizon warnet eau ameL'image m'a toujours paru être un vecteur privilégié de l'émotion et le son ou l'écrit celui de l'intelligence. Quand l'un rend hommage à l'autre dans une fusion intime réussie, le Nirvana n'est pas loin... surtout si l'image devient un poème et le poème un jaillissement d'images.

 

Les deux auteurs ont ici choisi l'eau comme contexte, eau plutôt froide, chargée de mystère, voire d'illusion et dont l'écoulement est accompagné par celui de l'interrogation que porte le poète sur son être. Un robinet fermé ? Le poète bouillonne, mais ne peut que se taire. Et quand la pluie laisse sur la dalle son miroir, le poète s'y reflète et reprend vie.

brizon warnet eau ame2Il me semble qu'il y a une très grande cohérence d'intention, d'interrogation sur soi et sur sa place ici et maintenant, qui s'exprime dans les textes. Et aussi beaucoup de reconnaissance sereine du bonheur de vivre, en dépit d'une quête, violente parfois, vers un au-delà des bonheurs du corps et de l'esprit, un "plus être" dont l'attente entre en conflit avec le "doux accomplissement" à portée de sagesse humaine. Se contenter du "rien de trop" ou banqueter avec les dieux ?

 

Je ressens, en revanche, une philosophie plus matérielle dans la recherche d'harmonie, directe et accessible, que propose le photographe. Une jouissance palpable de la richesse du monde, un accord intime avec celui-ci et, osons le dire, une sorte de reconnaissance d'être là. L'image, souvent superbe, conserve, bien entendu, son pouvoir évocateur d'émotions, mais on sait bien qu'il ne se réalise qu'à travers celui qui regarde, sa culture, son passé sa mémoire. La beauté est, dit-on, dans l'oeil de celui qui la voit.

 

Un beau livre qui peut se lire et se relire et révèle toujours quelque chose de nouveau.

 

Editions de l'Entrepôt (2009)