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Parler de la musique est difficile et se résume souvent, comme sur les pochettes de CD's, à une paraphrase faussement savante du contenu musical. C'est ici tout le contraire dans un texte sensible et intelligent à la portée de tous.

La musique d'abord. DB rappelle que c'est "le son plus la pensée", taillés dans le temps, ou aucun événement ne se dissocie de ce qui vient de se passer, ni de l'attente qu'il provoque.

Elle est aussi un exercice d'auto-discipline naturelle (sans laquelle il n'y aurait pas de musique) et par là même, une excellente école de contrôle de soi qui n'oblitère ni la sensibilité ni la spontanéité.

 

DB revendique également l'autonomie de la musique vis-à-vis de l'image. Car pénétrer dans cette pensée qu'est la musique peut se trouver retardé, voire empêché, par l'image qui distrait. Allusion sans doute, aux mises en scène d'opéras, souvent excessives et désarticulées, qui desservent l'oeuvre et empêchent toute concentration de l'écoute musicale.

DB est un amoureux raisonnable de la pensée et de la liberté que son usage confère. Non aux dogmes, aux systèmes de croyances tout préparés, aux illuminations. Mais sa liberté est exigeante et n'a rien d'un laisser-faire spontané auquel, souvent, on voudrait qu'elle ressemble.

Un autre aspect attachant de ce livre est le lien qu'établit DB entre la musique et la vie réelle et tout particulièrement ici avec le territoire déchiré de la Palestine. Notons au passage que le passeport palestinien qu'il a obtenu, tout en étant resté citoyen israélien, témoigne de son engagement politique. L'histoire et la description des attendus du "West-Eastern Divan Orchestra'' sont passionnantes par cette volonté de sortir du conflit par le haut et de donner un exemple vivant des principes qu'il propose.

Cela l'amène, d'ailleurs, à réfléchir hors contexte musical à la situation israélo-palestinienne qu'il connut bien et à proposer ses voies de sauvetage à l'impasse actuelle. Ses propos ne lui feront sans doute pas que des amis : intégration des Palestiniens, acceptation de la part arabe d'Israël, internationalisation des solutions, évacuation des territoires occupés, etc.

Peut-on faire deux remarques, qui n'enlèvent d'ailleurs rien à la qualité de ce livre ?

D'abord, il me semble que DB passe à côté du phénomène de la musique baroque, irrité à juste titre par le dogmatisme qui, à une époque, entourait cette renaissance. Ce n'est plus vrai. Peut-être a-t-il lui-même changé ?

Et surtout il peut, par ses propos, faire penser parfois que toute note de musique est d'essence supérieure, transcendante. Le domaine musical auquel ce respect infini s'applique aurait mérité quelques frontières. Surtout lorsqu'on voit ce que le terme "musique'' recouvre dans son acception journalistique et en particulier télévisuelle aujourd'hui.

Ces points sont mineurs en face de la qualité et de l'originalité de ce livre qui mérite, sans réserve, notre lecture.


Fayardl (2008) - 210 pages