grenot coeur chine

 

Ce livre relate l'expérience exceptionnelle de FGW, qui a réussi, malgré de nombreux obstacles, à mettre en place en Chine du Sud une aide humanitaire de scolarisation des petites filles de l'ethnie minoritaire Miao. Il y fallait une passion peu commune et une force de caractère puissante.

 

Pourquoi une telle passion ?

Il n'y a sans doute pas de réponse simple à cette question. La beauté des paysages du nord du Guangxi, le charme convivial de ses habitants, leur relégation par les Chinois Han, dans des régions difficiles à faire fructifier, leur pauvreté, cela milite en leur faveur. Le passé de l'auteur, ses études de chinois, son mariage assez bref avec un chinois, tout cela, semble-t-il, y contribue également.

Mais il faut autre chose que nous ne connaitrons jamais. On peut soupçonner un goût du défi, comme une revanche sur un destin. On peut aussi y voir une foi dans la valeur du "bon sauvage'' chaleureux et solidaire, démuni face à notre civilisation, que l'on a envie d'aider, par exemple. Une part de rêve ?

Un résultat impressionnant.

Il faut constater que l'objectif a bien été atteint. Grâce à une collecte de fonds qui n'a pas dû être une partie de plaisir, FEW a réussi à faire scolariser de l'ordre de 5000 petites filles de cette ethnie Miao, qui compte quelques millions d'individus. Et aussi à former des maitres, à construire des écoles, etc.

Et, semble-t-il, l'auteur (qui aura 60 ans en 2009) a trouvé son bonheur, son équilibre, dans cette mission difficile à laquelle elle a consacré sa vie et qui, sur un caprice administratif, aurait pu échouer. Cela aussi est un succès.

Quelques questions sans réponses.

Ce choix était-il la priorité d'emploi d'une aussi belle énergie ? Il suffit de regarder autour de nous pour que naisse cette interrogation. Notre pays, ici et maintenant, aurait bénéficié de cette formidable volonté. Mais au nom de quoi peut-on se poser de semblables questions ...

Ces "bons sauvages", pourquoi en sont-ils là, en état de subsistance basse ? Qu'ont-ils fait pour en sortir ? Tradition ? Leur histoire n'est que révoltes, guerres. S'ils sont en paix, aujourd'hui, c'est qu'ils sont vaincus et sous contrôle, refoulés dans des terres ingrates. Leur civilisation, leur mode de vie, qui par contraste nous séduisent tant, permettaient-ils une autre issue ? Combien d'autres civilisations ont disparu par ce qu'elles n'avaient pas les ressources intellectuelles pour évoluer ? Comme le Tibet, sans doute...

Et puis, le monde n'est pas étanche et le sera de moins en moins (routes, électricité, télévision, internet, mobile, etc.). Qui peut penser un instant que les Miaos peuvent rester à l'écart du monde qui bouge ? Qu'ils ne désireront pas suivre le modèle des autres ethnies d'Asie (par exemple la chinoise, ou la vietnamienne demain) qui, elles, ont trouvé une voie d'évolution.

Et si les petites filles n'allaient pas à l'école dans cette ethnie, ce n'est pas parce qu'on le leur imposait, mais parce qu'il en était ainsi au nom de leur tradition... et des contraintes économiques. Encore une fois, que faisaient-ils, eux-mêmes, pour que cela change ? Il est difficile d'en reporter seulement la responsabilité sur les Chinois Han.

Espérons simplement que cette assistance, au demeurant fort intelligente et qui tente de préserver la langue Miao, mais exige aussi l'apprentissage du chinois, persistera et sera un ferment qu'exploiteront ces peuples pour trouver leur chemin vers le monde actuel, j'allais dire réel.
Faut-il préciser que je n'en suis pas certain ?

Ce livre reste en tout cas un beau voyage au coeur de ces minorités, que l'on apprend à aimer en les connaissant mieux

Latitudes Albin Michel (2007) - 350 pages