verdier silence
 
Ni vous, ni moi ne saurons probablement jamais ce qui au-delà de nos sens et de notre intelligence nous parle encore d'une voix diffuse, lointaine. Pourquoi nous enchante telle phrase musicale, pourquoi nous émeut telle peinture, pourquoi, en un mot, le beau est beau. FV n'a pas voulu rester sur cette interrogation, au fond banale mais essentielle. Elle a consacré 10 ans de sa vie à tenter d'en savoir un peu plus, au risque d'y laisser sa peau et surtout de laisser fermé tout un pan du possible. Un choix, un vrai, qu'elle nous raconte ici.

Cette autobiographie est un roman de formation, l'histoire d'une initiation à la beauté, au travers de la calligraphie. Et, tel un hologramme, ce tout petit secteur du monde de l'art graphique ouvre la porte de la beauté, de toute la beauté du monde. Comme une pièce de 
l'Orgelbüchlein de JS Bach contient toute la musique du monde. Encore fallait-il la volonté acharnée de FV pour parcourir le chemin qu'elle a suivi. Comment savait-elle qu'en s'engageant dans le tunnel en zigzag de sa formation, elle trouverait au bout une issue et que cette issue valait l'effort accompli ? Utilisons un mot qui n'a plus cours : une vocation.

Car, ce que ce livre raconte est inouï. Quand, jeune diplômée des beaux-arts elle réussi à débarquer en Chine dans les années 80 pour y étudier la calligraphie, rien n'est simple : la vie matérielle est sordide, la révolution culturelle (la mal nommée) a détruit, souvent physiquement, tout ce qui avait trait aux arts traditionnels. Les maîtres survivants sont vieux, isolés, sans élèves, méprisés, misérables. FV décide de les retrouver et de leur demander de la prendre pour élève. Elle en trouvera un, admirable, qui pendant 10 ans, dans des conditions très difficiles, réussira à lui transmettre ce savoir en train de s'évanouir. Le miracle aura lieu et elle deviendra à son tour un maître de la calligraphie, reconnue comme un des leurs par les vieux maîtres. Ce parcours exceptionnel est émouvant. C'est aussi une merveilleuse leçon d'optimisme. FV, vous êtes quelqu'un !

Le décor est celui de la Chine, en prise à son idéologie des années 80, percluse de vérités qui ne s'expriment bien qu'au travers de la langue de bois. Tout cela change, enfin, un peu de nos jours. N'oublions pas qu'à l'époque la Chine était avec le Zaïre, le pays le plus pauvre du monde et le serait encore sans la mondialisation qui lui a permis de vendre ses produits. Espérons que, en parallèle avec cette richesse nouvelle, encore bien relative, elle saura renouer le lien avec ce qui fait l'originalité de sa civilisation.

FV est aujourd'hui un peintre important et original. On peut penser qu'elle n'écrira pas d'autre roman. On ne vit pas deux fois un tel destin. Le reste s'exprime à travers l'art du maître, comme par exemple le livre superbe, "
L'Unique Trait de pinceau", publié en 2001.

Alors, précipitez-vous pour lire "La passagère du silence". C'est un moment de grand bonheur.


Editions Livre de Poche (2005) - 311 pages