clary britten
 
 
J'aime la musique de B Britten et cette biographie m'a ravi. Elle est factuelle, explicative et, si elle montre bien le génie exceptionnel de Britten, elle ne cache pas non plus ses aspects rugueux ou délicats. Mais surtout, elle accompagne avec simplicité la naissance de chaque oeuvre, la rend à son contexte, la met en situation. Je n'écouterai plus "War Requiem" ou "Curlew River" ou "The Turn of the Screw", ou autre chose, sans feuilleter à nouveau ce livre.

Peut-être commencerai-je par un petit reproche : B n'a jamais succombé au "musicalement correct" de l'après-guerre et il me semble que cela lui a donné sa stature, sa profonde originalité. Le livre y fait bien allusion, mais ne montre pas assez les péripéties de ce combat que Britten a gagné. D'autant que les pressions exercées sur lui pour s'y plier ont dû être considérables et qu'il était avide de reconnaissance, un de ses points délicats. Une certaine insularité l'a peut-être protégé ?

Au-delà de la qualité de sa musique, justement soulignée à chaque page du livre, MC montre aussi le lien profond que B a eu avec les mots, la poésie tout au long de sa vie, renouant ainsi avec la tradition un peu perdue du baroque. Il vivait proche de poètes éminents et avait un jugement sûr de la qualité d'un texte. Sa facilité d'écrire faisait le reste, lui permettant de se couler dans la même pâte que les mots. Il ne faut pas s'étonner qu'il ait été un extraordinaire compositeur d'opéras et qu'il nous ait laissé des chefs d'oeuvres comme "The Turn of the Screw".

Il a aussi écrit pour voix seule des choses superbes, comme "Les Illuminations". Là, son lien homosexuel avec Peter Pears et son intimité d'une vie entière avec ce grand chanteur, ont certainement eu leur part dans ces réussites. Le livre montre bien cette collaboration fructueuse.

Il montre aussi l'obsession, chez B, que représente le drame de l'enfance qui, de force ou de gré, perd son innocence. Conséquence d'un traumatisme personnel ? Ses oeuvres, en tout cas, sont emplies, jusqu'au cauchemar, de cette tragédie. Sa dernière oeuvre, ou presque, "Mort à Venise", montre jusqu'à la fin l'importance de ce thème dans sa vie, et dissimule peut-être une pulsion qu'il n'acceptait pas.

Qu'il ait été ambitieux, tyrannique, injuste, blessant, certes. Il reste à mes yeux un des premiers compositeurs de la fin du 20e siècle (avec Chostakovitch) et ce livre nous permet d'ajouter une touche d'humanité au respect qui lui est dû.


Editions Buchet Chastel (2006) - 456 pages