loignon blockchain
 
Sous-titre : "La seconde révolution d'internet"
 
La blockchain (BC) est une technique digitale d'enregistrement et de sécurisation des opérations, sans autorité centrale de contrôle. Elle doit sa notoriété à la création d'une monnaie virtuelle, le Bitcoin. Le succès (partiel !) de cette technique a ouvert la porte à un espoir d'applications nouvelles profitant de ses caractéristiques promises : sécurité absolue et décentralisation totale des opérations et de leur certification. Cet espoir est-il fondé ? La lecture de ce livre, pourtant enthousiaste, fait craindre que ce ne soit pas le cas.
 
En résumé, la méthode consiste à enregistrer chaque opération depuis la première en une longue chaîne d’événements regroupés en "blocs" sur des milliers d'ordinateurs répartis dans le monde entier et ceci avec deux particularités :
 - Une fois écrite, la chaîne ne peut plus être modifiée par qui que ce soit. Ceci assure sa sincérité.
 - L'adjonction d'une opération à la chaîne est un processus qui doit être totalement sécurisé et ne doit pas pouvoir permettre d'intervention malveillante.
Le livre traite cela dans sa première partie d'une manière claire et assez facile d'accès. C'est, sans doute, son intérêt premier.
 
La seconde partie s'adresse aux usages actuels et potentiels de la BC. C'est d'abord le royaume de la finance, dont les opérations sont simples et sans ambiguïté et où les caractéristiques de sincérité et inviolabilité de la BC sont adaptées. Au-delà, il me semble qu'on entre dans le rêve et l'idéologie. On parle de "smart contracts" (Ethereum) que la BC pourrait traiter à la vitesse de la lumière sans faillir . Qui n'a pas déjà, dans son existence privée ou professionnelle, connu des contrats un peu complexes qui donnent lieu à interprétation ? Et on pense qu'un traitement automatisé et inviolable pour l'éternité a une chance de fonctionner ailleurs que dans des contrats oui/non ? De même voir dans la BC une façon de vivre l'utopie anarchisante d'une "économie de partage" sans dieu ni maître qui y trouverait son outil d'actualisation me laisse perplexe. Quelle activité humaine, quel groupe peut vivre sans autorité, souvent liée au savoir, à l'expertise ? Quant au rêve d'automatiser les actes de la vie dans un processus impitoyable, irréversible, c'est pour moi de la folie totalitaire, un monde proche de "Big Brother". Exactement ce que la démocratie doit rejeter. Sauf à se limiter au fonctionnement des pissotières.
 
Mais au fait, où en sont les promesses de la BC ? C'est ce que le troisième chapitre explore. Et il faut le lire pour mesurer le gouffre qui sépare les promesses de la réalité. Tous les processus fondés sur la BC ont été piratés, que ce soit la BC elle-même (difficile !) ou, surtout, ses entrées et sorties. Inviolable ? Pour rattraper un piratage, on a rendu une BC réversible : que devient alors la confiance ? Et pour le faire, il a bien fallu une autorité non partagée... Et chacun sait que la BC et son avatar le Bitcoin ont été utilisés pour acheter armes et drogues en raison même de leur absence de gouvernance et surtout de leur supposé anonymat. On sait aussi que la BC est un outil mondial d'évitement de l'impôt. Tiens, on ne partage plus ? Mais, si on fouille un peu plus, on découvre que l'identité des acteurs n'est pas vraiment cachée, essentiellement parce qu'il faut entrer et sortir du système. Alors que vaut la promesse de confidentialité ? Tout cela m'évoque l'idée d'une utopie, pleine d'idéologie partageuse, mais dont le champ réel d'application, sous réserve de perfectionnement et d'encadrement, semble en fin de compte bien modeste. La BC serait-elle une baudruche ? 
 
Tallandier (2017) - 302 pages