Fourest laicite
 
 
Ce livre propose une réflexion sur un concept mal compris, celui de laïcité. Et pourtant ! Quelles solutions les sociétés proposent-elles pour faire vivre ensemble des citoyens de confessions différentes, sans persécution des minoritaires ? La laïcité en est une, pour autant que son contenu soit précis et non détourné par des usages partisans, ce qui est, en ces temps frileux face aux religions, bien trop souvent le cas. Et malgré la simplicité d'un mot, n'oublions pas que plus de 100 ans ont été nécessaires pour qu'il se traduise en choix de société et en lois.
 
Car le concept est en apparence simple : séparer le domaine privé où la liberté de conscience et donc de religion doit être totale, du domaine public où la loi commune, décidée en République par les représentants du peuple, ne relève d'aucun principe religieux. Et s'il a fallu plus de 100 ans pour le traduire en acte, c'est que son application à l'organisation de la collectivité n'a pas la simplicité de son principe. C'est donc avec beaucoup de prudence et en tenant compte de cet acquis historique qu'il faut l'appréhender. Ce livre a le mérite de présenter cette histoire de la laïcité, riche en rebondissements et en pas de côté et dont la loi de 1905 a été une étape cruciale.
 
Difficile, en effet, à un croyant sincère d'adhérer à 100% à ce principe. Il pense détenir une "vérité" absolue, transcendante qui englobe les hommes et toute la "création". Alors comment les hommes pourraient-ils faire mieux ? Et pourtant aucune de ces "vérités" n'a su faire l'unanimité dans le monde. C'est même pire : la juxtaposition des "vérités" des uns et des autres et de leurs églises a toujours été explosive et source de guerres civiles cruelles. Alors, sa raison l'incite à trouver un mécanisme, un principe, qui, dans nos sociétés à confessions multiples, permette de vivre ensemble. Et dans ce cadre, la laïcité est une réponse possible.
 
L'alternative est soit le retour à la religion d'Etat, le "Cujus regio ejus religio" de l'après Réforme, ou pire, le prosélytisme conquérant des croisades ou des fanatiques de l'Islam entre autres. Ni l'un, ni l'autre ne collent au fait que notre monde ouvert a permis un fort brassage des hommes et a créé de manière irréversible dans les pays développés des collectivités humaines multiconfessionnelles qu'il faut faire vivre ensemble sous peine de guerres civiles religieuses exploitées par la politique. Il n'y a pas si longtemps, l'Irlande offrait encore ce triste spectacle. La lecture de ce livre montre bien comment la laïcité apporte réponse à cela et pourquoi son adoption et sa défense est un acte de raison et de paix. Un bouclier pour les minorités confessionnelles dit CF.
 
Je dis "sa défense". En effet, il est dans sa nature d'être en permanence menacée. Chaque religion, source d'emprise sur l'esprit des hommes est pour les ambitieux un moyen de pouvoir. L'histoire et l'actualité en sont remplies. La tentation de briser les contraintes existe et existera toujours chez eux. Défendre la laïcité, c'est y résister. Il n'y a pas et il n'y aura jamais de laïcité paisible. C'est un rêve athée, une illusion. Ceux qui cherchent parfois des accommodements avec le principe sont souvent pleins de bonne foi et d'intentions iréniques, mais ils oublient que sans cette règle la guerre civile religieuse n'est pas loin. L'histoire l'a montré. Et l'actualité, où tout conflit assumé est perçu comme un avatar du mal, est pleine de ces renonciations dangereuses.
 
C'est pour ces raisons que ce livre m'a semblé salutaire, même si parfois le tropisme idéologique de CF peut faire croire les choses plus simples qu'elles ne sont en réalité. Son chapitre historique est essentiel à la compréhension du concept et son souci de clarifier dans le détail ce que devait être une réponse aux questions du jour est profondément utile. Une réflexion riche et terriblement nécessaire à notre époque excessivement relativiste.
 
 Grasset 2016 - 327 pages