reval religion
 
 
Le titre du livre peut être trompeur et faire craindre un propos ésotérique. Il n'en est rien. Son objet essentiel est de débattre la question   "Qu'est-ce qui  donne du sens à notre vie ?" et d'y apporter des propositions d'approche dépassionnées. Et de montrer que le comment a sans doute plus d'importance que la question sans réponse : "Quel est le sens de notre vie ?" Il mettra aussi en évidence la stérilité des prétentions à l'absolutisme qu'ont certaines religions dans ce débat et l'inutilité des conflits entre elles et avec l'athéisme. Cet essai est un excellent moment de réflexion accessible et intelligent sur des questions inhérentes à notre espèce et dont l'approche proposée ici, aidée de la raison et de l'expérience, ouvre sans doute de plus grands espaces que les réponses dogmatiques fournies ici et là par ceux qui croient détenir des vérités.
 
Une première partie du livre va, en trois chapitres, clarifier les concepts de savoir, vouloir et croire, concepts qui sont au coeur du débat. Cette mise en ordre aide à comprendre où sont les failles de cohérence de notre pensée, en particulier dans notre vouloir, failles qui entraînent un besoin inassouvi de sens. Le savoir seul ne le comble pas ce qui ouvre la porte à d'autres voies, dont celle de l'athéisme que l'auteur caractérise souvent comme une acceptation consciente et assumée de nos limites. Une remarque essentielle faite par l'auteur est que le contenu de ces voies évolue, générant un conflit avec des dogmes figés.
 
Le chapitre suivant traite du temps que l'état actuel du savoir borne dans le passé et l'avenir. Cela est frustrant pour ceux qui souhaitent une vision "globale", plus vaste, du monde. C'est là que le domaine du "croire" prend le relais et propose des constructions de l'esprit au contenu surnaturel et un discours sur l'âme qui apaisent cette frustration. Il est bien clair que ces deux visions ne se contredisent pas : elles ne se situent pas dans le même registre. De plus, comme le montre le chapitre suivant, ce surnaturel participe aussi à la cohérence et à l'efficacité des fonctionnements des sociétés dans leur développement historique sur le contrôle de la nature, au prix, d'ailleurs, de l'évolution de son contenu et surtout de son interprétation.
 
Une mention particulière mérite d'être faite sur la pertinence de l'approche proposée concernant le "libre arbitre". Elle réduit l'écart entre une vision déterministe portée par le savoir (et encore plus avec la version quantique) et l'existence d'un "libre arbitre" du moi, agissant dans le cadre de ce déterminisme. Encore un faux débat ?
 
Le chapitre suivant aborde le sens de la vie que les religions, à défaut de pouvoir le définir, remplacent par un corpus moral, servant de guide vers le "bien". Un moyen, plus qu'une fin... Et ce corpus ne vient pas seul, car la vie en société fait se former chez les hommes dès leur enfance par l'expérience et l'éducation, un autre corpus de morale sociale. La cohérence de ces deux corpus est un problème, d'autant que le corpus social ne peut qu'évoluer avec le temps, quand celui des religions a évidemment plus de mal. La réinterprétation des textes religieux est la seule voie pour préserver la cohérence de ces deux corpus. Dans son livre "Le discours décisif", Averroès le disait déjà au 12e siècle !
 
Cette évolution est un enjeu majeur de notre avenir, si nous tenons compte des faits patents qui en sont à l'origine : enrichissement constant du savoir et donc de notre puissance, manipulation du génome à portée de main, planétarisation des problèmes, réchauffement, etc. Les valeurs issues des deux corpus souffrent de cette évolution, mais doivent suivre, au risque de leur crédibilité. Ne constate-t-on pas déjà la difficulté croissante de leur transmission et la création de sous-sociétés qui réinventent, sans elles, une morale primaire de bande ?
 
Le dernier chapitre résume les pistes qui pourraient aider à remettre en selle cette cohérence des corpus moraux, guides de nos actes et de notre responsabilité, face à cette évolution que nous devons maîtriser. Je ne tenterai pas ici de résumer ces pistes. Il me semble cependant qu'une réflexion mérite  particulièrement notre attention : l'excès de confiance dans la voie "politique" pour la réalisation du changement profond nécessaire, quand on sait que la culture, les moeurs précèdent et conditionnent cette voie.
 
Un livre remarquable de sincérité et de clarté sur des sujets difficiles qui a le très grand mérite d'être accessible à tous ceux qui aiment lire et qui nourrira leur réflexion.
 
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