"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
L. F. , fondateur du "Spiegel" en 1908, a connu la persécution antisémite nazie en 1933, suivie de peu, en 1940, par la persécution antisémite française. Il s'échappera du camp français des "Mille" pour finir sa vie aux USA.
Ce livre de 1932 décrit la vie complexe de Flavius Josèphe, futur historiographe de l'empereur romain Vespasien (1er siècle de notre ère), mais auparavant brillant prêtre de la religion judaïque à Jérusalem.
Excellent roman historique, magnifiquement écrit, ce récit apporte beaucoup plus. Il nous fait vivre la tentative parfois désespérée d'un homme intelligent (trop ?) et ouvert, de concilier deux univers, le monde juif et le monde romain. L'un et l'autre le fascinent ; sa tête est romaine et son cœur juif. Il raisonne comme un juriste romain qu'il est un peu, il souffre et ressent comme un homme de Judée, souvent irrationnel, voire fanatique. Il est l'un et l'autre, convaincu que ces deux aspects de l'homme ne doivent pas se combattre mais s'enrichir mutuellement pour former un être plein.
Irénisme noble, mais contestable. L'histoire détruit toujours à terme plus ou moins long les temples des fanatiques, car leur vérités les aveuglent. Ils ne s'adaptent pas au monde, ils cherchent l'inverse : adapter le monde à leur vision et ils en meurent. L'homme raisonnable peut comprendre et parfois tolérer le fondamentaliste, alors que l'inverse ne se peut pas ; l'eau et le feu se mélangent mal. De quelles offrandes de sang et de larmes se payent la résolution de ces drames !
Livre très agréable et facile à lire, enrichissant au plus haut point.
Ce livre passionnant est le produit des réflexions qu'inspirent à un scientifique américain biologiste paléontologue la controverse encore active dans son pays entre les fondamentalistes protestants "créationnistes" et les communautés scientifiques et de l'éducation.
La thèse que défend ce livre est le non-recouvrement des domaines du savoir et de celui de la religion, appelé le principe "NOMA". En un mot, il propose de laisser au domaine du savoir scientifique, celui des faits et des lois que l'homme révèle peu à peu, un territoire livré au seul empire de l'expérience et de la raison. Parallèlement il considère qu'existe un domaine qui traite des fins de l'homme, du sens de la vie et de l'univers, de la morale qui relève de ce qu'il appelle la religion.
De ce principe découlent deux considérations majeures. D'abord il est vain de promouvoir un conflit entre ces deux segments qui traitent de deux aspects complémentaires et non contradictoires des préoccupations humaines. D'autre part, il est également vain de chercher à fonder une proposition de l'un des domaines par des considérations provenant de l'autre, dans un sens comme dans l'autre.
L'argument est bien mené, fondé sur la réflexion, l'histoire et les faits et fournit une base intelligente de compréhension et d'échange paisible entre de vieux adversaires.
Il me semble néanmoins qu'il fait la part belle à la religion qui encore XVIIème siècle estimait le savoir humain de son ressort. En quelques siècles, et une complaisance répétée dans l'erreur scientifique, la religion s'est déconsidérée dans le domaine du savoir vérifiable dont elle s'est, globalement, retirée. Garde-t-elle encore son honneur dans les autres domaines ? Son recul, aujourd'hui clairement accepté par la majorité des religions du livre, est-il autre chose qu'un constat d'échec ? Si en revanche les religions avaient suivi Averroès (XIIème siècle) elles auraient mieux conservé leur dignité. Celui ci disait, en résumé que l'usage de la raison est un devoir, et que si le savoir scientifique que l'homme acquiert contredit l'interprétation des textes révélés, c'est que cette interprétation est à revoir. Oui, il disait cela au XIIème siècle dans une fatwa !
Enfin on ne peut pas s'empêcher de penser que le domaine des faits empiète par essence sur celui de la morale, car l'homme n'a pas l'option de commettre ce qui ne peut pas être commis. Au-delà des limites ainsi placées, peut-être peut-on même espérer fonder un jour par des lois que l'on ignore encore aujourd'hui la base d'une éthique. En attendant, le NOMA n'est pas sans vertu...
Editions du Seuil mai 2000
Ce livre est le récit de la gloire et de l'extinction de la famille de Camondo.
Ecrit d'une façon simple et directe il se lit bien en dépit de la complexité relative des liens familiaux, amicaux et d'affaire qui unissent les univers où se déroulent les faits.
C'est tout d'abord le monde de la finance juif séfarade pour qui les frontières sont à la fois trop étroites, mais aussi nécessaires pour trouver racine. Ce sera la quête de toute la vie de certains d'entre eux qui y réussiront avec éclat, par le don de leurs collections prestigieuses, mais aussi parfois de leur vie.
C'est aussi le monde aristocratique où ils évoluent, que la guerre de 14/18 mettra à mal qui entretient avec eux une relation paradoxale dont l'antisémitisme larvé n'est pas le moindre ingrédient.
C'est enfin l'univers des collectionneurs, capable par leur fortune, certes, mais aussi par la sûreté de leur goût de bâtir des collections dont le contenu rend rêveur…et dont nous profitons au Louvre et ailleurs.
Ce livre nous fait toucher du doigt l'ambiguïté de la position de ces hommes, mal intégrés par certains aspects et sur-intégrés par d'autres, pour qui la France n'a pas toujours eu une attitude bien digne. Si certains moururent "pour la France", d'autres, livrés, moururent "par la France".
Le récit de l'extinction de la lignée des Camondo est sombre et souvent émouvant.
Un beau livre qui donne matière à méditer.
Editions Gallimard Folio
Page 317 sur 319