Nous sommes tous dérangés par la relation ambigüe et protéiforme entre notre civilisation aux valeurs individualistes façonnées par le christianisme et l'irruption dans cette civilisation de l'Islam aux valeurs globalisantes, qui sont celles d'immigrés qui vivent sur notre sol et dont une minorité n'a pas accepté d'avoir changé de monde. Ce livre, écrit par un des hommes dont le travail sur le sujet a été considérable, présente la genèse de cette relation difficile au travers des synthèses successives qu'il a faites et qui ont en général conduit à des livres publiés. Cette minorité désorientée s'est livrée à des actes de terrorisme soutenus par un contexte international musulman prosélyte que le pétrole a enrichi et que nous avons naïvement et paresseusement laissé infiltrer nos modes de pensée. Un document essentiel pour comprendre les enjeux de notre monde actuel dans ce domaine, mais qui ne nous évitera pas d'avoir un jour une stratégie définie pour la gestion de cette relation majorité/minorité, ce qui est loin d'être le cas.
 
La montée de l'Islam politique incomprise
 
Cette note se contentera, non de résumer l'histoire de cette relation que le livre nous présente clairement, mais de noter quelques points qui paraissent importants. Le premier est, semble-t-il, la médiocre compréhension des faits par ceux dont on pourrait attendre la lumière. L'auteur montre combien l'idéologie (post-colonial, islamo-gauchisme, woke) s'est souvent substituée au recueil des faits et à leur analyse tant à l'Université que dans les nombreux organes supposés rechercher la vérité sur ce sujet, où l'idée même d'un Islam politique est souvent rejetée et où la vision idéologique anticapitaliste latente brouille la vue. On notera aussi la très faible connaissance de la langue arabe dans ces milieux, réduits ainsi au recueil d'informations de seconde main. Ce qui est sans doute moins difficile et plus rapide qu'aller sur le terrain et interpréter les textes historiques et contemporains par soi-même.
 
L'Islam comme patrie
 
Une des conséquences est que, sur la base de cette information sans rigueur, des rapports sans pertinence ont été diffusés aux instances dirigeantes qui n'ont pas vu venir l'infiltration progressive d'idées et de comportements auprès de ces populations peu intégrées. L'auteur montre bien que cette "évangélisation", déjà en route dans les pays arabes lors de l'assassinat djihadiste de Sadate en 1981, était programmée pour rejoindre l'Europe et les masses d'immigrés où l'Islam était la seule patrie. En France par exemple, ces Algériens en rupture, Français de papier, mais pas de cœur, trouvent dans l'Islam et ses institutions contrôlées ni dans leurs propos ni dans leurs actes, une citoyenneté alternative, au prix du communautarisme. Si l'État a su réprimer le désordre (et on le lui a parfois reproché), il n'a pas compris ce qui le provoquait et n'a donc rien pu faire pour arrêter ces dérives. Et rien n'indique un progrès dans ce domaine, dans une civilisation qui doute d'elle-même et de ses valeurs qu'elle n'ose plus défendre sauf en mots.
 
Confusion et trahison des clercs
 
On comprend ainsi que l'idée d'intégration de ces immigrés est en soi un malentendu, tant que la majorité laisse se répandre en sous-main et en particulier auprès des enfants, des idées profondément opposées aux valeurs majoritaires des Français, comme l'idée qu'État et religion sont deux faces inséparables d'une même structure sociale, ou que femme et homme sont d'essences différentes. Les "hussards de la République" doivent s'en retourner dans leurs tombes quand l'islamo-gauchisme n'y voit rien à redire. Cette guerre des idées, de la persuasion lente par la répétition et l'endoctrinement "soft" que pratiquent en particulier les "Frères musulmans" du Qatar, passe totalement en dessous des radars, car ni les intellectuels ni les gouvernants n'y sont préparés. La trahison des clercs est un vieux drame français !
 
Analyser les faits prime sur l'idolâtrie idéologique
 
Le livre montre bien que ce n'est pas être un idéaliste d'extrême droite que de bousculer cette indolence de pensée et d'action qui a conduit non seulement au malaise que nous ressentons tous, mais aussi aux drames de Charlie Hebdo, du Bataclan, de la décapitation d'un enseignant, sans oublier le reste ni ce qui vient. La liberté de pensée et d'analyse est notre privilège le plus précieux et se poser de telles questions n'est pas se ranger à telle ou telle idéologie, mais se demander ce qui fonctionne mal et nous a conduits où nous en sommes.
On comprendra ainsi ce qu'aura coûté à l'auteur l'exposé de ses découvertes progressives des stratégies islamistes et leur fonctionnement dans un milieu intellectuel où toute mise en question des dogmes partagés est une trahison. Son courage impressionne. Je le pense d'autant plus sincèrement que j'ai connu au temps du communisme, religion insurpassable comme chacun sait, une dévotion indécrottable de mes collègues par ailleurs brillants, un enfermement de la pensée qui a contribué à me faire fuir de mon premier métier. J'en admire d'autant plus la résilience de l'auteur et son apport sur ce sujet si délicat. Mais, peut-être, peut-on discerner ici et là les premiers signes de déniaisement politique ? Ils seraient bienvenus et l'apport de l'auteur y est certainement pour quelque chose.
 
L'Observatoire (2023), 300 pages