"Il n'existe qu'une langue pour exprimer des vérités absolues : la langue de bois"
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Salman Rushdie fait preuve dans ce premier roman de son incroyable talent de narrateur et ses personnages vivent, nous fascinent, nous trahissent, car on y croit. Le roman tient, que l'Inde nous concerne ou non, écrit avec une vigueur qui ne se relâche pas et une verve et un humour à la frange du loufoque, sans pareils.
Comme "Les enfants de Minuit" ce roman prend prétexte d'une saga familiale pour nous conter en filigrane l'histoire mouvementée de l'Inde, à travers des destins exceptionnels.
Mais, au delà du plaisir de la lecture, je ressens un scepticisme, presque un désespoir devant la condition de l'homme. Parti pris d'un jeune auteur ? Les lotus poussent bien dans la boue… Tous les personnages trahissent, flirtent avec le pire. Monde rude, en rupture avec la tradition, sans vérité, et sans pardon. Est-ce vraiment l'Inde ?
Un beau livre qui se lit avec enthousiasme, mais profondément pessimiste.
Pocket Plon, 2000
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Ce (gros) roman tisse avec bonheur la biographie d'un héros rêvé avec la naissance et le développement politique mouvementé de l'Inde.
Correspondances, vies parallèles, il faut bien se placer dans le monde du rêve et des possibles (parfois à la limite...) pour que la rencontre ait lieu. Et, elle a lieu, elle est picaresque, explosive et nous emporte sans retenue ni réserve.
Mais ce livre est aussi une merveilleuse leçon d'Inde, la mère des civilisations. Ce n'est pas une explication savante, mais une plongée active dans les mythes et les symboles qui structurent la vie de ce grand pays : relation aux autres et à l'univers, ordre et pagaïe, violence et amitié, dévotion et beuveries, temps passé des ancêtres, temps à venir des enfants. Tout ce qui donne forme à une civilisation et la structure pour durer est là, bouillonnant et chaud, à portée de notre oeil de voyeur et de témoin.
De plus, ce roman est drôle, parfois ubuesque, souvent sensible, toujours léger, et manie la langue (merci au traducteur !) avec grand bonheur.
La force de Balzac, dans la légèreté d'une bulle. A recommander sans réserve !
Editions du Rocher, 2000
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Ce livre est un essai de dialogue entre un astrophysicien et un moine bouddhiste d'origine européenne sur le savoir scientifique et son impact humain.
Il m'a vivement intéressé, par plusieurs aspects :
- Il y a toujours un moment dans la compréhension de la nature par la science où des hypothèses non scientifiques, extérieures, doivent être ajoutées. Ici, la tentative est intéressante d'essayer de le faire avec des méthodes bouddhistes, ne faisant appel à aucun dieu.
- Les deux bases du bouddhisme, l'impermanence ou non-existence des phénomènes, et leur constitutive interdépendance, sont en remarquable accord conceptuel avec les représentations utiles à la physique contemporaine : relations d'incertitude quantiques, échanges de nombres quantiques lors des interactions de particules, etc.
- Le livre présente un débat approfondi sur la "réalité" des mathématiques : l'homme les découvre-t-il ou ne sont-elles au contraire qu'un produit de son intellect, utiles à lui seul ? La seconde hypothèse sort renforcée.
- Il pose bien le problème de la responsabilité du scientifique qui ne peut pas se laver les mains de l'usage fait de son travail. Le savoir ne produisant, hélas, pas la sagesse, il faut donc la rechercher autrement. Or, ceci notre société l'ignore, fabricante de barbarie.
- Il faut bien aussi convenir qu'en revanche le sage bouddhique, livré à lui-même n'aurait pas découvert l'ouvre-boîtes !
Ce livre est donc une invitation à compléter ce que nous savons si bien faire, comprendre et apprendre, par une autre voie de développement. Ici, c'est bien évidemment la voie bouddhique que proposent les auteurs. La réciproque serait, à mon avis, aussi recommandable. La formation scientifique de M. Ricard lui donne du poids dans le débat.
Ce livre passionnant (au moins pour moi qui en comprends le contenu scientifique, et en partie le bouddhique) laisse cependant dans l'ombre la question sans réponse du fossé qui sépare ceux "qui savent" de la masse qui ignore et continuera d'ignorer, avec les conséquences sociales et économiques de ce fait. L'échelle du savoir est un facteur de division des hommes. Quelles seraient les voies d'investigation possibles ? Celle de E. Jünger, par exemple ?
Livre difficile, mais qui fait réfléchir.
Editions Fayard/Nil, 2000
Page 313 sur 314