Un avion de ligne piloté par un connard s'empale sur les arbres d'une forêt Birmane. Deux survivants provisoires seulement, que tout sépare, même le sexe ! Un, deux, trois, nous irons au bois ? Oui, certes, mais nous sommes dans la jungle, une nature hostile en tous points différente de celle qu'idéalisent les écologistes paumés et qui, de plus, est pourrie par la situation birmane faite d'une armée salope qui a pris le pouvoir et est en train de le perdre, des minorités en rébellion (il y en a des tombereaux en Birmanie) et des narcos méchants. Donc, récapitulons : si vous faites un pas dans sur ce terrain pour essayer de retrouver la civilisation avant d'être mort de faim et de soif, vous tombez forcément sur l'un de ces emmerdeurs patentés qui hésiteront peut-être sur la façon de vous trucider, mais pas sur le but. Dur, dur... Quant à nous, lecteurs haletants, le cœur battant à 150, le mouchoir plein de nos larmes d'angoisse et de notre morve, il ne nous reste qu'un Lagavulin d'une bonne facture pour nous remettre, tout en étant forcé de constater qu'en sortant de cette aventure nous en savons beaucoup plus sur la Birmanie qu'en ouvrant la 1re page du roman. Bravo, l'auteur !

 

Nos deux zigotos libellés "survivants" plus haut ont, à priori, peu de chance de le rester longtemps. Un avion à piller attire les charognards aux mœurs tranchantes à deux ou quatre pattes ou même rampants, genre cobra. Alors, il convient de filer vite après s'être un peu remis de cet atterrissage brutal. C'est l'histoire du roman, fort bien menée et pleine de rebondissements à 6 coups, voire kalachnikoviens. Alors on marche et on se débrouille. L'auteur s'est sans doute bien amusé à utiliser la fertilité de la situation pour nous secouer en plongeant les deux zigotos susdits dans des aventures ou seul un essaim de dieux bienveillants pouvait leur éviter l'anéantissement. C'est d'ailleurs l'avis de la survivante, cul béni, porte-parole du RN dans le civil, ce qui ne manque pas d'irriter son compagnon, plutôt humaniste, réaliste et journaliste chevronné. L'auteur en profite pour nourrir entre eux des échanges revêches sur la politique qui ne manquent pas de leur rendre la vie un peu plus difficile qu'elle l'aurait été sans cela.

Mais surtout, c'est cette entrée sans effort dans la réalité birmane qui fait d'un roman d'aventures un livre riche qui ne nous abandonnera pas sans avoir donné quelques billes à notre connaissance de ce pays. Sans négliger les leçons que nous pouvons (ou non, d'ailleurs) tirer au passage, pour notre propre conduite. Mentionnons par exemple que l'anarchie ne convient jamais aux communautés humaines qui s'empressent dare-dare d'y substituer une forme d'ordre, pas toujours de la meilleure eau. Ou bien aussi que les dictatures sont fragiles et conduisent rarement à autre chose qu'au malheur. Et même que l'homme quand il est libre et sans interdit culturel ou religieux pour piloter cette liberté est pire qu'une bête.

Un livre à facettes que l'on se doit de recommander sans réserve, qui réussit à nous divertir, à nous instruire et même, en particulier dans ses derniers chapitres, à nous toucher. Bravo encore, l'auteur !

L'Onde (2024), 190 pages, dont 2 cartes