filippi blockchain
 
La blockchain (Bc) est à la mode et les avis sur cette technique balbutiante sont d'autant plus définitifs et extrêmes que ceux qui les émettent sont ignorants de son essence. Pour ne pas tomber dans le panneau, la lecture de ce livre accessible aux esprits curieux fournit une excellente approche de l'état de l'art. Je reste, pour ma part, perplexe sur plusieurs points et globalement réticent à un usage inconsidéré de cette technique. Je propose ici ma réflexion.
 
L'idée fondamentale est de procéder à des transactions sans l'intermédiation humaine qui leur a conféré leur validité jusqu'ici. Plus de banque pour des échanges monétaires, plus de notaire ou de juriste pour des contrats, plus de recours au droit pour les exécutions de contrats, etc. Cela peut peut-être avoir sa place dans des transactions très simples, mais certainement pas pour des actes importants où l'interprétation des textes et des volontés des parties est l'essence même de la relation. Remplacer le jugement par des algorithmes immuables est un fantasme.
 
La seconde idée qui anime la Bc est qu'elle enregistre pour l'éternité d'une manière irréversible les transactions, offrant ainsi jusqu'à la fin des temps leur fiabilité absolue. Imaginons un instant que la Bc ait été inventée et appliquée par les Egyptiens. Qui peut croire un instant que nous considérerions l'algorithme de l'époque encore le meilleur ? Absurde. C'est pourtant ce qu'on nous propose là. Et nous accepterions de ne pas le faire évoluer ? Re absurde !
 
La troisième idée est que ces techniques apportent une sécurité absolue aux transactions, puisqu'une fois enregistrée la transaction est non modifiable. Excellent, si le monde est constitué de bisounours vertueux. Comme ce n'est pas le cas et que les piratages et détournements ont été fréquents, le beau mythe de l'intangibilité des blocs enregistrés a volé en éclat (TheDAO, par exemple) et l'intermédiation humaine a été appelée au secours pour rétablir la justice en s'empressant d'effacer les blocs pirates. Et si c'était un pirate qui effaçait les bons blocs ? Belle pagaïe en perspective.
 
Autre point de perplexité : la Bc n'est qu'un élément des transactions qui sont en fait des chaînes d'opérations qui aboutissent à l'inscription de la transaction sur la Bc. Vanter la solidité et la sécurité de la Bc est une chose, mais quid des autres éléments de la chaîne et en particulier des opérations d'entrée et sortie ? Quand je me fais pirater ma carte de crédit, ce n'est pas son système qui est défaillant, mais le fait que j'ai tapé un code qui m'a été dérobé, que ma carte a été volée, etc. Il en va de même avec les Bc et les cryptomonnaies où les opérations pour mettre en oeuvre une transaction sont nombreuses (mon PC, la liaison avec la banque, l'échange de clés, etc.). Que de sources de piratage...
 
Et la confidentialité ? L'anonymat vanté par ces techniques serait encore une fois justifié dans un monde de bisounours. L'usage du Bitcoin pour des activités criminelles a largement démontré que cet anonymat protégé est un rêve malsain et trompeur.
 
Dernier point pour ne pas rendre cette note indigeste (mais il y a d'autres points qui font question), Le Bitcoin représente une part pratiquement négligeable des transactions financières. Il y a peu de bitcoins, les transactions sont chères et lentes à valider, etc. Et pourtant, ces modestes résultats, pour être obtenus, ont mobilisé en 2017 une consommation électrique supérieure à celle d'Israël la même année. Qui peut justifier cela ? D'autant que cette consommation d'énergie a été faite pour effectuer des calculs inutiles, sans liens avec le Bitcoin, mais longs et difficiles pour créer un barrage aux intervenants indésirables. N'y a-t-il pas là un peu de déraison ?
 
Voilà quelques points négatifs que j'estime trop peu rappelés, face aux extases de certains. Le livre est impartial et mentionne tout cela, y compris les idées nouvelles et intéressantes sur ces nouvelles approches. Ses conclusions, que je rejoins, sont, par exemple, que des Bc privées, en fait sous contrôle de médiateurs, ont sans doute plus d'avenir que la grande utopie globalisante d'origine. Hautement intéressant en tout cas pour ceux qui veulent comprendre ce qui se passe autour de nous.
 
Que Sais-je No 4141, 127 pages