adimi richesses
 
Ce très beau livre est le récit, presque historique, de l'aventure vécue par un homme qui créa à Alger une librairie, également maison d'édition et bibliothèque de prêt. Sans un sou, il réunit autour de lui ses amis et se lance. Oui, mais ses amis étaient Camus, Gide, Saint Exupéry, Roblès, Amrouche, Giono, etc., qu'il accouchera souvent de leurs premières œuvres. Une histoire qui est aussi celle d'une Algérie qui se rassemble dans la douleur et qui constitue la toile de fond du roman. Une éclatante réussite littéraire, sensible et parlant d'une langue simple qui va droit au cœur.
 
Au fond, ce roman est un hommage rendu à la littérature qui se fait. Il faut, bien entendu écrire, mais il faut aussi un éditeur qui y croit et encourage l'auteur, parfois même le bouscule. Sans oublier la distribution, vente ou prêt, qui atteint le lecteur final. Edmond Charlot, le créateur de la librairie "Les Vraies Richesses", fut un tel homme, éditeur passionné de chefs-d’œuvre qu'il aura contribué à révéler au public. L'idée de lui rendre cet hommage est magnifique, car à travers cela c'est une révérence élégante à tout ce qui fait notre plaisir de lecteurs. EC ne reçut jamais vraiment les fruits de son travail : ses affaires parisiennes furent mauvaises, sa librairie d'Alger fut plastiquée deux fois par l'OAS, ce qui détruisit l'essentiel de ses documents. Il termina sa vie discrètement en France en 2004.
 
Quelques touches d'une histoire sensible de l'Algérie sont la scène principale de ce merveilleux récit. Une Algérie qui ne fut jamais vraiment invitée à la table de la France, sauf pour y accomplir des tâches de mercenaire. Un fossé béant séparait les castes et l'indépendance aura été l'autre nom de cette inégalité létale. La violence qui l'a accompagnée aura profondément perturbé l’œuvre d'EC et l'on peut rêver à ce qui aurait pu s'accomplir en d'autres temps.
 
Le récit balance entre un fait (imaginaire, car la librairie de prêt existe toujours), celui de la fermeture et de la dispersion des biens du lieu historique et le journal (lui aussi imaginaire) d'EC qui en raconte l'histoire. Le passé et le présent se répondent, se complètent autour de cette célébration du livre, qui fut l'impératif catégorique du fondateur qui, je pense, aurait eu les larmes aux yeux en lisant ce roman. L'écriture est simple, alerte et coule sans heurt. Une très grande réussite.
 
Points P4850 (2017), 184 pages