ragougneau 77
 
Voici un beau roman, dont l'intrigue met en scène des interprètes virtuoses de musique classique, au sommet de leur art (et même au-delà !). De plus, cette intrigue se déroule comme un parallèle à une œuvre musicale célèbre et forte, le 1er concerto de violon de Chostakovitch. Les rapports entre le compositeur et l'état totalitaire soviétique seraient-ils un modèle de ceux entre un soliste de haute volée et la société ? Quoi qu'il en soit, le livre nous plonge avec maîtrise et talent dans cet univers extrême des bêtes de concert avec une grande efficacité.
 
L'histoire est celle d'une de ces extraordinaires familles de musiciens, ici imaginaire (ou presque), dont le père est directeur musical d'un orchestre célèbre, la fille une pianiste virtuose à succès, le fils un violoniste sans égal, dont le maître fut lui aussi sans égal en son temps. Chacun à sa manière a délaissé tout ce qui n'était pas la pratique de son instrument et échoue aussi profondément sa vie privée qu'il a réussi son art. Certains s'y résignent, d'autres moins. L'action est menée sans répit, pleine d'obscurités et de non-dits et se déroule dans une unité de temps imposée par le concerto. L'auteur fait incontestablement preuve d'une excellente connaissance de ce milieu, de ses espérances et de ses souffrances. Être un virtuose reconnu et le rester se gagne (ou se perd) dans un effort extrême que l'auteur fait ici partager.
 
Et pourtant, il m'a semblé que le récit n'était pas porté par une empathie suffisante pour m'émouvoir. Un beau récit, juste, certes, mais froid, distant. Pour avoir lu récemment "Trois concerts" de Lola Gruber, où plusieurs fois j'ai été vivement ému, je reste ici, en dépit de la qualité du roman, face à un livre qui ne laisse pas filtrer une sensibilité contagieuse.
 
Sans doute d'autres y trouveront-ils plus que je n'ai su en extraire et malgré cette remarque personnelle, je ne peux qu'en recommander vivement la lecture.
 
Viviane Hamy (2019), 245 pages