damour ondes
 
Si vous êtes curieux (et vous l'êtes puisque vous lisez ce texte ! ), alors lisez ces 85 pages limpides qui vous diront tout sur les ondes gravitationnelles récemment détectées. Cette détection est importante à deux points de vue. D'abord elle confirme que notre représentation mathématique de l'univers par la Relativité Générale est juste, dans la limite de l'erreur expérimentale. Ensuite, elle est une incroyable performance technologique expérimentale dont nous dirons ici un mot. Que ce sujet, évidemment un peu ésotérique à priori, ne vous rebute pas. L'auteur domine si bien son affaire et son style est si simple, que l'on croit tout comprendre sans effort au fil de la lecture. Peut-être est-ce le cas ?
 
La représentation de notre univers donnée par la Relativité Générale (Einstein 1915) est quelque chose qui ressemble à une gelée qui remplit l'espace-temps. Oui, l'espace ET le temps. Et cette gelée peut se déformer si des masses ou des énergies (c'est pareil, w=mc² !) s'y déplacent. Se déformer veut dire alors qu'un mètre, par exemple, ou une seconde, ne vont plus mesurer leurs valeurs nominales si on les observe attentivement. Très attentivement même, car le défi est de mesurer leurs variations induites par des événements cataclysmiques de l'univers (ici une collision-fusion de deux trous noirs). Mais ces événements se produisent à un milliard d'années-lumière et pendant quelques secondes. Là où ils ont eu lieu, au loin, la déformation a été considérable, mais elle s'est atténuée en parvenant jusqu'à nous au moyen de cette onde gravitationnelle, une sorte de tremblement de notre gelée. Le calcul de la Relativité Générale nous dit alors que notre déformation terrestre de l'espace-temps est d'un milliardième de milliardième de millimètre ! Ce qui avait conduit Einstein à penser qu'on ne le vérifierait jamais. Pour une fois il avait tort, car cette micro variation a été enregistrée et cela simultanément en deux points de la terre. La technique qui l'a permis mérite évidemment un coup de chapeau.
 
Notons bien que ce tremblement à mesurer dans l'appareil construit (l'interféromètre) est approximativement du milliardième de la taille d'un atome. Notons aussi que, sur terre, mille événements parasites (un coup de vent, un train qui passe, un nuage, etc.) ont des effets sur l’appareil bien supérieurs au tremblement recherché. C'est donc grâce à des techniques faisant largement appel au calcul informatique (dit de filtres adaptés) que les expérimentateurs ont procédé à la recherche de ce tremblement, que l'auteur compare d'ailleurs à la recherche d'une "aiguille dans une botte de foin". Et ceci simultanément  en deux points éloignés de la terre, avec le décalage du au fait que ces ondes se déplacent à la vitesse de la lumière. Remarquable, n'est-ce pas ?
 
Cette découverte expérimentale, qui s'est renouvelée une quinzaine de fois depuis, est une nouvelle porte qui s'ouvre sur notre compréhension de l'univers. Jusqu'ici, en effet, notre seul moyen d'observation passait par des mesures dépendantes des forces électromagnétiques (lumière, rayons X ou gamma, etc.). Pour la première fois, nous pouvons faire des observations dépendantes d'une autre force, la gravitation. Déjà des informations inaccessibles autrement ont été tirées sur la structure de l'espace-temps et de ce qu'il contient. Une augmentation de la sensibilité des appareils, la mise en réseau des équipements de mesure à la surface de la terre vont, dans les années à venir, ouvrir une nouvelle voie expérimentale. A cela s'ajoute le fait que ces observations gravitationnelles induisent par le calcul que des effets électromagnétiques sont attendus, suite à ces événements cataclysmiques de l'univers. Et bien, c'est fait ; ils ont effectivement été observés par les télescopes avec les caractéristiques prévues par la théorie. Il y a dans la Relativité Générale, quelque chose qui est en phase avec la réalité de notre univers. Le fait, cependant, que cette théorie ait cent ans, laisse un doute sur notre capacité à aller plus loin. Mais c'est une autre histoire.
 
Cette lecture ne peut que réjouir celui qui s'y livre, car on apprend quelque chose qui touche profondément notre rapport au monde. Elle est relativement facile et montre que si un sujet, même compliqué, est dominé par celui qui en parle, alors ce sujet cesse d'être ésotérique et peut être partagé par ceux qu'un petit effort ne rebute pas.
 
CNRS Editions de vive voix, 85 pages