murakami ozawa
 
Ce livre, facile et agréable à lire, s'adresse néanmoins à des amateurs confirmés de musique classique. Six conversations entre Haruki Murakami et Seiji Ozawa sont rapportées ici et traitent pour l'essentiel de l’exécution musicale dans les formes majeures du chef d'orchestre, symphonies, concertos, mais aussi musique de chambre. La culture musicale de Murakami, écrivain important, est exceptionnelle. Il n'en fallait pas moins pour que Ozawa, un des très grands chefs actuels, se livre comme il le fait. Un livre enrichissant et sincère.
 
Il me semble que l'intérêt essentiel de cette lecture est de nous donner à comprendre ce qui emplit la tête d'un chef de la classe de Ozawa, lorsqu'il dirige. Ces préoccupations se révèlent pas à pas et il serait difficile de tout rapporter ici. Mentionnons cependant quelques points majeurs. Il est évident que les orchestres dirigés par Ozawa sont composés de musiciens de très haut niveau. Cela ne fait pas pour autant un son et une expression homogènes et cohérents. C'est là que le chef doit mettre en œuvre ses outils propres s'il veut réussir cette fédération de talents. L'un d'eux, souvent mentionné, est de faire exprimer de façon lisible à l'ensemble les structures longues des pièces jouées en travaillant le rythme, l'intensité, la respiration du jeu collectif. Facile à dire... On est aussi frappé par la connaissance intime qu'il a des particularités de chacun de ses musiciens et de ce qu'il peut raisonnablement obtenir. Diriger ne consiste pas seulement à donner ses instructions sur la musique jouée, mais c'est aussi connaître et reconnaître ceux qui la produisent. Ce qui n'est, au fond, pas si différent des autres disciplines.
 
Quant à la musique elle-même, il en est assez peu parlé ici. Je note quand même deux points qui m'ont frappé et, je dois en convenir, confirmé dans ma perception personnelle.
Ozawa répète souvent que la musique n'a pas de sens, pas de lecture par la raison. Elle n'est pas un langage. Elle est un accès à une communication par la sensibilité. A ce titre, son échange avec Murakami sur l'interprétation exceptionnelle du 3e concerto pour piano de Beethoven par Mitsuko Uchida est un modèle du genre...
Le second point est le fait que deux artistes de culture japonaise aient une telle intimité avec un art qui pourrait être compris comme Européen, mais dont l'universalité est difficilement contestable. La musique classique est, comme d'ailleurs les mathématiques, une activité "primaire" par rapport aux cultures et cela quelque soit l'époque à laquelle les œuvres ont été composées, pourvu qu'elles soient bonnes. Voilà deux éléments d'identité humaine qui préexistent et précèdent les avatars humains culturels. La musique classique ou les mathématiques avant Dieu ?
 
L'incomplétude de ces quelques lignes me navre quand je pense à la richesse de ce livre. Alors, si vous avez le moindre intérêt pour la musique classique, précipitez-vous !
 
10|18 (2011), 335 pages