lemaitre revoir

 

Ce pavé valorisé par sa bande rouge fait un peu peur. Détrompez-vous ! On ne le quitte qu'à la fin, sans l'avoir lâché. On s'en extrait avec la conviction que la vilénie de l'homme est sans limites et sans classe. Tant pis pour Marx et ses zélateurs qui ont tout faux dès l'hypothèse de base...

 

Les guerres sont un violent brassage d'argent, de technique, de pouvoir et de moeurs. Un effroyable spasme récurrent, indispensable à la société, que l'homme, quoi qu'il prétende, adore. Gagner du galon sur des faits d'armes parfois réels, se faire une fortune en profitant de la pénurie et en marchant un peu sur les pieds des copains, se faire élire sur des propos creux, mais de circonstance, c'est la voie "honnête". Mais il y a aussi ceux qui vont plus loin et recourent au crime et à l'arnaque. Ca, c'est notre roman.

Nous sommes à la fin de la guerre de 14-18 et les trois personnages clés du livre se trouvent engagés dans une dernière manœuvre guerrière qui vaudra quelques galons à un aristocrate indigne et une gueule cassée à un soldat qui sauvera la vie du troisième. Des liens inhabituels vont attacher ces trois personnages qui vont se livrer sous nos yeux, seuls ou en groupe à leurs profitables magouilles... avec des succès divers. Sachant que l'homme a fait Dieu à son image (pardon, c'est l'inverse !), on a du mal à croire à tant de noirceur. Mais, ce qu'on s'amuse ! Et si l'aristo est immédiatement peint en salopard indécrottable, les deux autres, qui ont souffert et souffrent encore, attirent l'indulgence amusée, voire la sympathie. Et nous sommes happés par leur rocambolesque aventure, jusqu'à la dernière ligne du roman. Sans oublier les autres personnages dont les caricatures éblouissantes font mouche. Tiens, observez bien la dégaine de Merlin, par exemple.

L'auteur sait conduire une intrigue, ce livre en est la preuve. Style rappelant un polar, rapide, direct, souvent au présent, même si parfois la bobine est un peu longue à se dérouler. Pour autant, nous restons dans une langue plutôt banale, ce qui, semble-t-il, ne rebute pas le jury Goncourt.

Quant au fond, cet excellent roman me semble devoir être pris pour une bouffonnerie sur fond tragique, rien de plus. Il me semblerait audacieux d'y voir autre chose. Tout le monde sait bien que l'homme est bon... J'ai en tout état de cause passé un superbe moment en le lisant.

 

Albin Michel (2013) - 567 pages