L'auteur choisit 10 mots du langage courant et nous en dévoile le contenu, tel qu'un chinois de son âge le vit. Expérience révélatrice à la fois du vecteur de culture irremplaçable que sont les mots, mais aussi de leur fragilité lorsqu'on constate l'immense variabilité de leur sens ! On sort de ce livre bien écrit avec une compréhension un peu meilleure de ce fascinant pays.
J'ai le souvenir, lors d'un voyage au Japon, de la mise en garde d'un ami : méfie-toi, disait-il, de ce que ton interlocuteur comprend quand tu parles. Un exemple : une table est pour toi un objet de 70 cm de haut alors que ton interlocuteur comprendra un objet de 30 cm. On ne fait pas la même chose avec ces deux objets...
Ici, YH utilise chaque mot pour y glisser tout ce que sa mémoire a enregistré au fil de son éducation, de sa vie de famille, de sa vie sociale. Y a-t-il manière plus agréable de partager ces morceaux de culture chinoise que cette promenade avec un guide intelligent et sensible ? Et pour comprendre l'importance d'un vrai faux ou d'une embrouille bien conduite ? Quant à l'écriture, c'est peut-être un peu plus que vous ne pensez !
L'écriture est agréable et semée de remarques personnelles qui lui donnent vie et profondeur. Un bon livre.
avril 2016
Après relecture de ce livre excellent, j'aimerais signaler la pertinence d'une remarque de Yu Hua sur le développement incroyable de l'économie chinoise. Il rappelle, en effet, que bien des Occidentaux pensent que la démocratie est un préalable au développement économique. C'est faux, dit-il. C'est au contraire l'absence de règlements, de lois protectrices, de contrôle qui ont permis cette explosion. Tout est possible à ceux qui, disposant de liberté personnelle d'entreprendre, n'ont rien à craindre quoiqu'ils fassent, ou presque. S'enrichir vite est la seule règle qu'appliquent, comme Yu Hua les nomme, les "gens de peu". La révolution avait détruit, chez eux, tout respect de l'ordre, des institutions ou de la morale. La nouvelle perspective de liberté économique sauvage a trouvé là son terrain, au prix du "faux et de l'embrouille". Les conséquences sont évidemment la réduction d'une société à son économie sous sa forme brute, ce qui probablement n'aura qu'un temps. Yu Hua ne manque pas de stigmatiser cet état de fait.
C'est aussi, peut-être, une bonne nouvelle pour les pays qui sont en panne, à condition qu'ils sachent quelle place rendre à la liberté individuelle...