Les nations européennes sont-elles encore en démocratie ? C'est la question posée par PM. Sa réponse est claire. Nous sommes en train de sortir à la fois de la démocratie et de la nation qui en était la matrice, sans savoir vers quel régime nous allons. Nous ? C'est l'Europe continentale qui ne trouve pas un régime politique capable de la gouverner, mais qui ronge peu à peu les régimes démocratiques qui la constituent, fondés jusqu'ici sur la nation.
L'idée de base de PM est que nation et démocratie forment un tout. Un tout où la nation reçoit des hommes délégation de pouvoir et offre en échange sa protection et sa garante à leur liberté, condition nécessaire d'une vie démocratique. Et pour que l'ensemble fonctionne, il faut que d'une part ce pouvoir s'exerce à la fois par des symboles et par des actes et que les hommes aient à coeur d'user et de ne pas aliéner cette liberté d'agir. Ils préservent ainsi une sphère privée, terrain d'exercice de cette liberté.
Dans le même esprit (la remarque est de moi) on constate que les pays dynamiques économiquement sont ceux où la sphère privée est préservée, ce qui est souvent lié à la démocratie mais pas toujours. La Chine actuelle est intéressante sur ce plan, car elle a su équilibrer un subtil partage entre une liberté politique sous contrôle, et une liberté économique quasi totale, dans le cadre de la sphère privée qu'elle protège.
Or que constate-t-on aujourd'hui en Europe ?
- La sphère privée disparaît : d'une part l'économie est une affaire d'état (l'état ne se sent pas responsable d'assurer les conditions de la prospérité, mais la prospérité elle-même !) et d'autre part, le citoyen aliène sa sphère privée, et donc sa liberté, dans un réseau d'information et d'assistance au maillage serré ; il est même devenu politiquement correct de tout dire et de tout montrer jusqu'à l'exhibitionnisme. L'assistance n'est plus une assurance, c'est un mode de vie dont la douceur cache l'aliénation qu'elle induit. La social démocratie est une drogue addictive ! Le livre de Hannah Arendt (Condition de l'homme moderne) montrait déjà, il y a 50 ans, cette absorption de la sphère privée par la publique.
- L'état national, qui ne garantit plus cette liberté privée mais la rend même suspecte, perd sa raison d'être. Ainsi le pacte national se dissout (la nation en même temps) et les hommes cherchent une autre façon de vivre ensemble, de se construire une société viable. Et comme aucune forme politique ne se découvre, il ne reste que les vieux oripeaux : communautarisme, régionalisme, religion etc.. L'illusion européenne, vide de forme politique, porte une lourde responsabilité dans ce suicide.
Mais surtout, cette nation qui ne gouverne plus, qui ne fait plus son travail de protection, c'est à dire de choix entre ce qui est bon et ce qui ne l'est pas, (honte à toute discrimination, rien n'est bien rien n'est mal, tout est permis, pas d'ennemi, que des amis, pas de conflit, seule la vie de chacun vaut notre compassion, sans réserve, même si la déchéance de certains est de leur fait), cette nation se suicide, comme si sa tâche était désormais accomplie. Elle n'exerce plus ses pouvoirs qu'elle abandonne au "machin'' européen (qui ne les prend d'ailleurs pas) sans forme institutionnelle, non représentatif et qui n'est en rien un substitut crédible de cette alliance consentie entre démocratie et nation, qui garantissait la sphère privée et donc la liberté des hommes. Pire : les symboles même du pouvoir sont jetés au rebut en Europe : monnaie, peine capitale, armée demain, etc.
Le pacte démocratique est rompu ; le peuple qui constituait la nation a perdu son cadre de référence en perdant cette autorité parfois dure et cruelle mais qui lui permettait d'exister. La nation portée au fanatisme a bien entendu fait un mal considérable à l'Europe ! Mais on a jeté le bébé avec l'eau du bain et la baignoire est vide. Les hommes sont à nouveau incertains, savent qu'il ne sont plus représentés et que ce qui reste de cette représentation n'est plus qu'une mise en scène, sans pouvoir. Ils ne sont d'ailleurs pas prêts à consentir à UE la même confiance ni la même délégation qu'ils avaient, en son temps, consentie à la nation. Chacun peut constater combien, dans la vie courante, ce diagnostic est juste. Qui a encore sérieusement le sentiment d'être gouverné ?
On peut évidemment craindre les conséquences de cet état de fait, véritable rétrogradation à l'état de nature et au "tous contre tous''. PM dans un dernier chapitre montre aussi que la division politique du monde recouvre la division religieuse. N'est ce pas inévitable quand la structure institutionnelle se délite ? Il faut bien se raccrocher à quelque chose. Mais voir dans le religieux un remède à ce délitement, propre à l'Europe en crise, me parait bien peu convaincant, par le fait même que la nation s'est construite sur les ruines des dieux morts. N'espérons pas trop des fantômes.. Le livre de Luc Ferry (Apprendre à vivre) traite de cela avec pertinence. La lecture de "Le Progrès ou l'opium de l'histoire" de Robert Redeker apporte aussi certains éclairages.
Un petit livre important que devrait lire tout citoyen européen surtout s'il est inquiet de l'évolution actuelle. Et qui ne l'est pas ?
L'idée de base de PM est que nation et démocratie forment un tout. Un tout où la nation reçoit des hommes délégation de pouvoir et offre en échange sa protection et sa garante à leur liberté, condition nécessaire d'une vie démocratique. Et pour que l'ensemble fonctionne, il faut que d'une part ce pouvoir s'exerce à la fois par des symboles et par des actes et que les hommes aient à coeur d'user et de ne pas aliéner cette liberté d'agir. Ils préservent ainsi une sphère privée, terrain d'exercice de cette liberté.
Dans le même esprit (la remarque est de moi) on constate que les pays dynamiques économiquement sont ceux où la sphère privée est préservée, ce qui est souvent lié à la démocratie mais pas toujours. La Chine actuelle est intéressante sur ce plan, car elle a su équilibrer un subtil partage entre une liberté politique sous contrôle, et une liberté économique quasi totale, dans le cadre de la sphère privée qu'elle protège.
Or que constate-t-on aujourd'hui en Europe ?
- La sphère privée disparaît : d'une part l'économie est une affaire d'état (l'état ne se sent pas responsable d'assurer les conditions de la prospérité, mais la prospérité elle-même !) et d'autre part, le citoyen aliène sa sphère privée, et donc sa liberté, dans un réseau d'information et d'assistance au maillage serré ; il est même devenu politiquement correct de tout dire et de tout montrer jusqu'à l'exhibitionnisme. L'assistance n'est plus une assurance, c'est un mode de vie dont la douceur cache l'aliénation qu'elle induit. La social démocratie est une drogue addictive ! Le livre de Hannah Arendt (Condition de l'homme moderne) montrait déjà, il y a 50 ans, cette absorption de la sphère privée par la publique.
- L'état national, qui ne garantit plus cette liberté privée mais la rend même suspecte, perd sa raison d'être. Ainsi le pacte national se dissout (la nation en même temps) et les hommes cherchent une autre façon de vivre ensemble, de se construire une société viable. Et comme aucune forme politique ne se découvre, il ne reste que les vieux oripeaux : communautarisme, régionalisme, religion etc.. L'illusion européenne, vide de forme politique, porte une lourde responsabilité dans ce suicide.
Mais surtout, cette nation qui ne gouverne plus, qui ne fait plus son travail de protection, c'est à dire de choix entre ce qui est bon et ce qui ne l'est pas, (honte à toute discrimination, rien n'est bien rien n'est mal, tout est permis, pas d'ennemi, que des amis, pas de conflit, seule la vie de chacun vaut notre compassion, sans réserve, même si la déchéance de certains est de leur fait), cette nation se suicide, comme si sa tâche était désormais accomplie. Elle n'exerce plus ses pouvoirs qu'elle abandonne au "machin'' européen (qui ne les prend d'ailleurs pas) sans forme institutionnelle, non représentatif et qui n'est en rien un substitut crédible de cette alliance consentie entre démocratie et nation, qui garantissait la sphère privée et donc la liberté des hommes. Pire : les symboles même du pouvoir sont jetés au rebut en Europe : monnaie, peine capitale, armée demain, etc.
Le pacte démocratique est rompu ; le peuple qui constituait la nation a perdu son cadre de référence en perdant cette autorité parfois dure et cruelle mais qui lui permettait d'exister. La nation portée au fanatisme a bien entendu fait un mal considérable à l'Europe ! Mais on a jeté le bébé avec l'eau du bain et la baignoire est vide. Les hommes sont à nouveau incertains, savent qu'il ne sont plus représentés et que ce qui reste de cette représentation n'est plus qu'une mise en scène, sans pouvoir. Ils ne sont d'ailleurs pas prêts à consentir à UE la même confiance ni la même délégation qu'ils avaient, en son temps, consentie à la nation. Chacun peut constater combien, dans la vie courante, ce diagnostic est juste. Qui a encore sérieusement le sentiment d'être gouverné ?
On peut évidemment craindre les conséquences de cet état de fait, véritable rétrogradation à l'état de nature et au "tous contre tous''. PM dans un dernier chapitre montre aussi que la division politique du monde recouvre la division religieuse. N'est ce pas inévitable quand la structure institutionnelle se délite ? Il faut bien se raccrocher à quelque chose. Mais voir dans le religieux un remède à ce délitement, propre à l'Europe en crise, me parait bien peu convaincant, par le fait même que la nation s'est construite sur les ruines des dieux morts. N'espérons pas trop des fantômes.. Le livre de Luc Ferry (Apprendre à vivre) traite de cela avec pertinence. La lecture de "Le Progrès ou l'opium de l'histoire" de Robert Redeker apporte aussi certains éclairages.
Un petit livre important que devrait lire tout citoyen européen surtout s'il est inquiet de l'évolution actuelle. Et qui ne l'est pas ?
Editions Gallimard - L'esprit de la cité (2006) - 100 pages