Voici un roman d'une grande sensibilité sur un sujet qui nous obsède, le rapport qu'auront les humains avec les robots intelligents et cultivés, dont l'IA est annonciatrice. Ici, le robot est supposé capable d'intelligence, de réflexion et de décision, mais son logiciel lui impose, comme le ferait un Dieu, un impératif catégorique, celui d'assister et éduquer un adolescent. Soumis à cette contrainte et certainement à d'autres que le roman ne donne pas, il ne manifeste aucune velléité d'autonomie toxique. En un mot, il reste un outil dont le logiciel et son concepteur sont responsables, à l'image d'un véhicule autonome. Pourquoi pas ?
Klara, ce robot, est sympathique. Même si ses sens sont imparfaits, il sait être convivial, s'adapter aux normes sociales, dialoguer et possède un savoir considérable qui lui confère un comportement cultivé et pondéré. Bien plus, il est en mesure d'apprécier les sentiments exprimés (plus ou moins bien, d'ailleurs) par les humains et les robots qui l'entourent et il y répond avec intelligence. Il sait aussi tenir son rang et se faire discret, là, et où cela est nécessaire.
Mais il existe aussi en lui des cheminements de pensée et des croyances inconnues des humains. C'est là tout le charme de ce roman, quand Klara, que le soleil nourrit, se tourne vers lui pour l'aider à accomplir sa mission. Un soleil dont sa survie dépend, étant sa source d'énergie et dont elle suppose qu'il est aussi la source majeure des bienfaits reçus par les humains. Ce n'est pas faux et en tout cas moins problématique que l'attente des bienfaits d'un Dieu postulé dont nul ne sache ce qu'il est et s'il existe ! L'auteur nous entraîne alors dans une aventure pleine de poésie et d'émotion, où l'idée même de sacrifice n'est pas étrangère à notre robot. Il nous arracherait presque une larme, si nous ignorions qu'il ne faisait qu'exécuter au mieux son programme !
L'auteur nous raconte tout cela avec une sensibilité vive, qui nous touche. Klara étant le conteur, c'est par ses yeux pleins de raison que nous voyons le monde et que nous partageons ses attentes. Est-ce voulu que par contraste les comportements et les dialogues des humains soient si souvent des repoussoirs, belliqueux, indécis, sans grâce ? À un point qui rend parfois le roman un peu bavard. Heureusement, Klara est là, elle dont les yeux émerveillés sont, pour un temps, les nôtres. Adorable miroir de nos faiblesses, de nos turpitudes et de nos ingratitudes...
Folio 7183 (2021), 420 pages