blas de robles ile nemo

 

Quel cirque ! Dans tous les sens, d'ailleurs. Image fragile du monde, image rêvée. Espoir de mieux, de plus... Folie, pourrait-on dire, délire, rupture, matrice d'autre chose ? Un grand rêve qui souvent finit mal lorsqu'il veut s'inscrire dans le réel, mais qui, dans ce roman, s'enfonce dans le noeud du typhon, nous laissant toute liberté pour lui donner, ou non, une suite.

 

L'affaire est menée rondement, sous l'habit d'un roman policier fort classique, un peu caricatural et au parfum anglais. Mais, dès le départ le réel est malmené et le lecteur se demande si l'histoire lui raconte une autre histoire... ou si c'est l'inverse. Mise en abyme très réussie. On sent que l'auteur s'amuse bien et il n'hésite pas, dans ce but à faire de spectaculaires cabrioles, simples jeux de mots parfois, situations improbables, voire abracadabrantes le cas échéant. On aime ou pas, on se laisse embarquer ou pas.

On a parfois le sentiment de se trouver dans un jeu vidéo où l'invraisemblable ne fait pas peur et se trouve même souvent l'ingrédient du suspense. Les mots ne sont plus là pour traduire la réalité, mais plutôt pour la faire naître, souvent sous le mode de la dérision. l'Épiphanie du monde parfait écolo situé au Point Nemo est superbe dans ce style : un agglomérat de détritus sur laquelle est bâtie une improbable usine délirante de scientisme improbable et supposée, grâce à la dictature sectaire de la "Bonne Mère", apporter la réconciliation avec la "Nature" !  On ne s'ennuie pas...

On ne s'ennuie pas non plus avec ce roman, même si parfois on se perd un peu, car il entrelace des lignes de récit qui réveillent sans cesse l'attention, donnant parfois  le sentiment que le hasard est le maître. Refus du "normal", de la logique, du prévisible, voilà les épices de ce curieux plat. S'y ajoute une  brassée d'herbes folles cueillies dans les jardins du sexe. Ma préférée est celle du téton empoisonneur...

Cette bouffonnerie, que l'auteur a écrite avec un évident plaisir, n'aurait pas la qualité qu'elle a sans l'érudition de son géniteur. On ne s'y ennuie jamais à condition d'avoir conservé un certain goût du risque et beaucoup de fraîcheur d'esprit !

Zulma (2014) - 462 pages