Makine, écrivain russe vivant, est un musicien des mots, de la pensée et certainement des notes... Il ne démontre pas, n'affirme rien. Il nous invite, par exemple, à l'accompagner dans cette gare froide et malodorante, où il attend un train pour Moscou au milieu d'une humanité modeste qui a froid mais qui supporte sans indignation son état d'"Homo sovieticus". Et il en fait une mélodie d'observations justes et souvent touchantes.
Des bribes de musique parfois rêvées, parfois réelles accompagnent cette attente. Et le narrateur échangera quelques mots avec un homme que le hasard placera à ses côtés dans le train de Moscou, homme qui se révélera être un pianiste accompli, que le la guerre et l'acharnement purificateur soviétique ont privé de son destin, presque de sa vie.
Le train favorise les confidences. En quelques instants la vie de ce pianiste a basculé, là-bas, lorsque ses parents, juifs ont été arrêtés par une police soviétique en mal de pureté ethnique et de pensée unique. Il se sauve et entre dans la clandestinité, trahi, abandonné. Empruntant l'identité d'un mort, il entre dans la guerre qui paradoxalement devient sa planche de salut. Il ira jusqu'à la victoire et le retour à la vie civile, sans cesse poursuivi par des éblouissements de musique, le signe du monde perdu.
C'est le détail, comme dans "Le testament français" qui révèle la qualité de Makine. Ses images sont douces, sensibles humaines. Jamais de violence inutile, de rébellion ;un art de vivre stoïque et exigeant qui n'est ni faiblesse ni renoncement. Ce livre est un hymne à la simplicité et aux hommes qui acceptent modestement de se construire sans illusion, dans un monde qui pèse lourdement sur eux. Une leçon d'humanité peu commune actuellement.