Que penser de ce livre, qui tente de présenter (c'est parfait) et d'interpréter (ça l'est moins) le portrait d'une mère, pour le moins complexe ? L'étude psychologique de la fin du roman m'évoque une promenade en voilier sur un lac de barrage, là où l'on ne sait jamais d'où souffle le vent. Et pourtant, le lac est beau et sa contemplation rend heureux. Le récit de la vie de cette mère à facettes est un enchantement, dévoilé avec la sensibilité légère habituelle de l'auteur. Je suis moins touché par la tentative un peu désespérée d'en démonter les rouages, comme s'il s'agissait d'une mécanique dont le mode d'emploi serait perdu depuis longtemps.

 

 

Ceci me conduit à une réflexion, certainement discutable. Le comportement d'un être dépend, certes, de ce qu'il est et de ce qu'il a éprouvé, de son expérience. Mais son modèle n'est pas celui d'une mécanique programmée, car cette expérience est en perpétuelle modification dans ses interactions avec les autres individus, fussent-ils des inconnus, des proches ou sa famille. Cette modification est même en cours, à l'instant précis de leur interaction sociale. Ainsi qu'il advient dans ce récit, une mère peut aimer un enfant et pas un autre. La mère est la même, pas les enfants, qui dans cette interprétation sont donc la cause de cette versatilité de leur mère et d'ailleurs en souffrent, jusqu'à ce qu'ils prennent leur indépendance affective. Et c'est ce que ce livre raconte si bien.

 

Je suis tombé sous le charme de la première partie de ce livre qui raconte une vie, qui est un vrai roman. On ne peut qu'être sensible à l'enfance de la mère de l'auteur, à son durcissement, à la fragilité de sa trajectoire affective, aux facettes d'elle-même qu'elle construit pour résister à la dureté des chocs subis au cours de cette trajectoire. Je le suis moins à la lecture des pages  de "débriefing psychologique" qui ferment le livre. Mais, est-ce la faute du livre ou la mienne ?

 

Et peut-être relirai-je ce roman pour un point précis qui le sous-tend du début à la fin, qui est le rôle de cet étrange objet qu'est l'amour dans nos comportements. Objet indéfinissable, désir infiniment puissant, insensible à la raison, baume et poison, indépendant de notre volonté et qui, pourtant, se construit. Rarement un roman a su exposer cette composante forte de nos relations humaines, ici familiales, comme le fait l'auteur.

 

Encore un très beau livre d'Amélie Nothomb.

 

Albin Michel (2025), 212 pages