nothomb aerostats
 
J'espère que AN s'est bien amusée en écrivant cette pochade, légère et aérienne comme les aérostats du titre, vive comme une partie de ping-pong et fort agréable à lire (en deux heures au plus). L'intrigue a la puissance d'un brin d'herbe et la vraisemblance d'une histoire de sorcières de mon Berry natal. Mais le talent de l'auteur en fait un gentil moment de plaisir, passé à observer les joutes oratoires des personnages. La fin est hélas poisseuse. On ne boit pas un verre de vinaigre sur une coupe de champagne ! Oedipe au placard, svp !
 
Imaginez un instant que votre fils, dyslexique, est nul en français, mais bon en maths. Ça existe, j'en ai rencontré. Vous estimez cette situation préjudiciable à son avenir, car vous ne pensez qu'à ça, oubliant au passage (peut-être l'ignoble père l'ignore-t-il ?) que la lecture est aussi un immense plaisir et un immense levier de découverte. Vous appelez AN (alias Ange Daulnoy) et en quelques jours tout est réglé. Le fiston lit bien, sans faute, y trouve du plaisir, est capable de jugement sur ce qu'il lit, etc. C'est aussi fort et aussi crédible qu'une résurrection ! Libre à vous de prendre ça pour argent comptant, ou pas. Non, elle n'est pas éblouissante, l'intrigue !
 
En revanche, les dialogues sont des régals. Ils sont truffés de répliques qu'on aurait rêvé d'avoir faites dans une discussion tendue. De tous côtés, ça fuse et il est rare qu'un protagoniste rate une balle ou ne la renvoie pas exactement là où il faut qu'elle aille. Des matchs de haute virtuosité, aux échanges rapides et efficaces. Ça, c'est du grand art et le lecteur ne peut qu'y succomber.
 
À partir de la page 167, ça se gâte. L'invraisemblable qui nous avait accompagnés jusqu’ici devient une bouffonnerie oedipienne. On peut d'ailleurs s'arrêter là, on ne perd rien. La magie s'épuise. Allez, on a quand même passé un bon moment !
 
Albin Michel (2020), 166 pages plus 9.