La thèse de ce livre passionnant est que l'inégalité des sociétés ne provient pas de celle des hommes qui les constituent, s'opposant ainsi aux thèses habituelles sur les inégalités des "races". Mais alors d'où provient-elle ?
Sans prétendre résumer un travail aussi fouillé, on peut mettre en évidence quelques éléments-clés qui caractérisent les conclusions de JD. Ces éléments-clés sont ceux qui, depuis l'époque néolithique, ont conduit aux différences d'évolution que l'on observe aujourd'hui entre les sociétés. Différences qui, précisons-le, ont été à l'origine de violences, de conquêtes de mises en esclavage, etc. L'évolution n'est pas un chemin de roses sans épines.
le premier élément est incontestablement la supériorité dans cette évolution de l'agriculteur sur le chasseur. Elle permet en effet la création de surplus agricoles dont les avantages sont considérables : prévenir les famines, favoriser la croissance des populations, permettre à certains individus des fonctions artisanales ou d'administration. Ceci n'est d'ailleurs pas sans effet sur la fabrication d'armes et l'organisation d'armées structurées et nombreuses, avantages évidents dans les combats.
Ce qui appelle aussitôt le second élément : pourquoi certains lieux ont-ils permis la création de tels surplus agricoles et donc la carte des sociétés que l'on observe aujourd'hui ? JD procède à une analyse extrêmement détaillée des conditions géographiques et historiques de notre monde et en tire quelques facteurs discriminants, comme, par exemple, les suivants :
- le climat (température, pluie, vents, saisons, etc.)
- les espèces animales ou végétales, susceptibles de domestication. On y constatera (pour moi avec étonnement) que celles-ci étaient rares en Afrique ou Amérique par rapport à l'Eurasie !
- la difficulté plus ou moins grande de transfert de savoir-faire entre des peuples voisins, difficulté croissante si les barrières géographiques ou climatiques sont élevées. Là encore, l'axe est-ouest de l'Eurasie (climats assez voisins) lui donne un avantage considérable.
- les choix parfois suicidaires des hommes (déboisement excessif, par exemple) faisant prendre pour des changements climatiques ce qui n'était que comportement irréfléchi des hommes. Où sont les richesses agricoles du "Croissant Fertile" ou du Sahel ?
J.D passe aussi en revue les mécanismes d'évolution de ces sociétés produits par cet enrichissement agricole là où il a eu lieu, relayé par l'enrichissement industriel du 19e siècle. Il montre, entre autres, un phénomène important que nous vivons encore aujourd'hui : la complexification des savoirs-faire exclut les petites populations de l'accès à l'industrie : ils ne peuvent pas disposer de tous les savoir-faire très spécialisés nécessaires à la production compétitive industrielle. Certains pays, dont le nôtre, qui transfèrent des productions à l'étranger oublient qu'ils font disparaître en même temps de multiples compétences contributives logées dans des PME sous-traitantes. C'est cela la désindustrialisation et c'est presque irréversible. Parlez-eu au Royaume-Uni.
A ces considérations, le livre ajoute des éléments de réflexion liés à l'évolution naturelle, parfois aléatoire, de l'environnement et dont les conséquences peuvent être sévères. Si une météorite nous atteint, par exemple, bien des choses peuvent changer !
Ce livre est long, parfois répétitif ou excessivement descriptif. Mais que cela ne rebute personne de le lire. Son contenu est important pour notre compréhension du monde et bien des pages sont de véritables découvertes que je n'avais, pour ma part, jamais faites ailleurs. C'est plutôt rare !