Avec le brillant dont il est coutumier, JA présente ici dans l'urgence sa vision des causes de la crise financière, le déroulement de cette crise et propose des solutions. Mais on le sent pessimiste...
Les causes.
- Appauvrissement relatif de la classe moyenne US qui recourt massivement à l'endettement, à bas taux.
- Accaparement, sans risque, du profit financier des montages basés sur l'endettement par une poignée "d'initiés" (châteaux de cartes de la titrisation non contrôlée).
- Explosion, dans ces conditions, de cet endettement que plus rien ne limite, jusqu'à la crise actuelle, provoquée in fine par des défaillances, pourtant prévisibles, mais sciemment ignorées, y compris des agences de notation.
A cela s'ajoute une cause profonde, que Georges Soros, devant le "US House Representative Comittee" avait exprimée le 13/11/2008 d'une manière peut-être plus claire encore : les marchés, qu'ici rien d'extérieur n'est venu perturber, ne tendent pas naturellement vers l'équilibre (en l'absence d'un état de droit qui les encadre et les régule, ajoute JA) ce qui remet fondamentalement en cause les approches dérégulationistes de ces dernières 20 années basées sur ce postulat. J'ajouterais pour ma part que cette foi dans la capacité autorégulatrice des marchés s'est constituée sur les échanges de produits pour l'essentiel, où le cadre national est la référence. On parle toujours d'importation et d'exportation. Or il s'agit ici de "produits" financiers, pour l'essentiel, virtuels et dont le cadre est le monde, sans qu'existe, comme pour les produits réels dans leur cadre national, une puissance politique mondiale régulatrice.
Le déroulement de cette crise.
Cette partie du livre est remarquable par sa précision tout en restant concise et claire. La résumer ici n'aurait aucun sens. Elle fonde à la fois l'analyse des causes ci-dessus et induit les propositions de solution de JA.
Les solutions.
Elles tournent toutes autour de la réhabilitation du rôle de l'Etat de droit dans l'encadrement du fonctionnement des marchés financiers. JA donne, au-delà de ce principe des propositions concrètes sur un nombre considérable de points.
Un exemple : les agences de notation, payées par ceux qu'elles notent, ont eu un très vilain rôle dans cette crise : soit elles n'ont rien vu quand elles cotaient AAA des titres pourris, soit elles ont été "achetées". Or la liberté n'a de sens et d'efficacité que fondée sur une information juste. Ce n'était pas le cas ici, conduisant ceux qui, en toute bonne foi, faisaient confiance à ces agences à acheter des titres qu'ils n'auraient pas dû acheter. La conclusion est claire : ces agences doivent devenir indépendantes de leurs cibles d'analyses et strictement contrôlées par la puissance publique.
Une question de fond est aussi posée clairement : le caractère international des marchés financiers (encore une fois très différent du marché des produits) oblige à inventer une véritable puissance supranationale de droit qui aujourd'hui n'existe pas vraiment. Est-ce possible ? On voit assez les affres d'une Europe presque inexistante dans ce domaine, malgré 50 ans d'efforts, pour craindre qu'il s'agisse d'un voeu pieux.
JA dresse dans ce livre, qui à mes yeux vaut surtout par son analyse, un constat documenté de la fragilité de nos systèmes complexes. Au-delà de son optimisme de façade, JA laisse percevoir une très profonde inquiétude. N'avait-il pas, lui-même, un peu cru au paradis libéral advenu, quand il proposait ses "300 décisions pour changer la France" ? Le stratège est sans doute déçu de n'avoir pas vu le coup venir ...