Pascal évoque souvent des souvenirs de lycée plus ou moins agréables… Cette bibliographie qui se lit comme un roman nous invite (pour moi avec succès) à reconsidérer cet à priori et à redécouvrir un homme qu'en pratique nous ignorons presque.
Nous savions que la seconde partie de sa vie, celle des "Pensées" avait été avant tout une recherche mystique qui a assis sa célébrité. J'ignorais qu'en même temps se poursuivait sa recherche mathématique sur le calcul des intégrales, et qu'en entrepreneur capitaliste il lançait à Paris en 1662, année de sa mort, une société de transport en commun qui aura du succès !
Quel homme, et dans quel siècle ! En 1661, on brûle encore un hérétique place de Grève, mais Spinoza a 30 ans et Hobbes 74 ! Quant à Pascal, la diversité de ses facettes fait rêver. Il assumait jusqu'à sept identités différentes, chacune dédiée à une activité qu'il maîtrisait à la perfection : quasi-théologien, mathématicien, polémiste politique, entrepreneur, moraliste, physicien, mondain, etc. Et ce qui intrigue et fascine est l'unité de l'homme qui se dessine malgré tout derrière une telle diversité. Attali, de manière assez convaincante, identifie cela avec un "génie français". Le premier "intellectuel" en somme, en prise directe avec son époque.
Je crois cependant que Pascal, s'il appartient par ses découvertes physiques et mathématiques au futur, appartient au passé par sa pensée plongée dans le merveilleux religieux. Pascal est un stoïcien pessimiste dont l'Univers donné inclut sans débat possible une entité parfaitement réelle pour lui, Dieu. Le siècle suivant inaugurait une recherche encore vivante aujourd'hui : comment vivre si Dieu n'est qu'un fantasme humain ? On peut se prendre à rêver de ce qu'aurait pu être sa contribution à cette évolution de la pensée… De plus, cet homme si rigoureux dans ses travaux tournés vers la connaissance du monde devient d'autant plus sectaire voire fanatique que les objets de sa polémique religieuse sont flous : âme, grâce, prédestination, péché… Peut-être sentait-il la faiblesse de ces concepts… Sa capacité d'introspection et son génie font que malgré ce carcan idéologique il écrira sur l'homme et sa place dans le monde des choses immortelles, comme lorsqu'il nous rappelle par exemple qu'il ne suffit pas d'éviter l'erreur pour être dans la vérité.
Merci à Jacques Attali pour ce beau livre.
Editions Fayard