reza serge
 
Le livre affirme, page 122 : "Souviens-toi. Mais pourquoi ?... Ce fétichisme de la mémoire est un simulacre." De tels propos, assénés sans ménagement et discutables, sauvent néanmoins ce roman d'un inénarrable fouillis de disputes amicales et familiales. L'espoir de l'auteur est sans doute de faire émerger des caractères de ces interminables conflits. C'est sans doute en partie vrai ; on ne se révèle pas en buvant un verre d'eau. Mais la lecture devient lourde, laborieuse. Et ces personnages en bagarre recueillent difficilement notre empathie. Le théâtre, où un trait chasse l'autre, apportait à "Art" une vie et une légèreté qui l'un comme l'autre font ici défaut.
 
Le débat sur la mémoire est intéressant. Une idéologie un peu démodée, a surfé sur les grandes phrases et les grands mots à ce sujet : "devoir de mémoire", "lieu de mémoire", etc. Et si, comme le pense l'auteur, cela n'était qu'une foutaise grandiloquente à visée politique ? Des mots qui ne renferment que peu de chose, mais donnent à celui qui les prononce un air de grande conscience ? Il n'y a qu'une mémoire, la nôtre et non celle des autres. C'est à cause de cela que l'on répète souvent les mêmes erreurs. L'idée me séduit, car je n'ai jamais aimé les affirmations exaltées sans preuve ni les postures. Notons bien que c'est reparti de nos jours sur le thème écolo. "Durable, éthique, environnement, écosystème, résilience, climat, écologie, recyclage, catastrophe, précaution, effet de serre, renouvelable, diversité, etc.", mots qui sont utilisés à tort et à travers, et noient un poisson qui a pourtant déjà du mal à respirer !
 
L'intrigue, difficile à suivre, ne soutient pas toujours l'intérêt du lecteur. Débats autour la judéité ( en voilà un beau produit de mémoire !), visite catastrophique d'Auschwitz dont le souvenir essentiel est le sac banane rouge porté par un personnage, engueulades familiales longuettes, personnages dessinés par des touches impressionnistes enchevêtrées, ce bortsch manque un peu de crème fraîche. Ceci posé et même si l'empathie pour les personnages est difficilement au rendez-vous, on ne s'ennuie pas à la lecture du roman, porté par une verve théâtrale et des coups qui portent. Et puis, il est si bref...
 
Flammarion ((2021), 234 pages