Ce roman, qui est à l'origine un journal très libre de la campagne présidentielle de N. Sarkozy en 2007, se lit plutôt aujourd'hui comme une mise en mots par un romancier du pouvoir politique et de sa conquête. Il peut décevoir, en raison de sa structure éclatée digne d'un puzzle, ceux qui y cherchent un portrait de l'ex-Président. Et peut-être aussi, par l'absence de complaisance ou d'indiscrétion. En revanche, il est une relation fine et intelligente de ce que sont l'ambition, le désir du pouvoir et l'exercice de la volonté pour le conquérir en démocratie. N'en attendons pas cependant une analyse des mécanismes ou un guide du conquérant. Reza ne joue pas à Machiavel et apporte simplement, touche par touche, une approche humaine de l'acteur en situation.
 
Deux points m'ont frappé à la lecture de ce qui est en fait un roman de l'ambition. Le premier est qu'il ait été possible, ce qui a d'ailleurs surpris l'auteur lui-même. Dans le tournoiement d'une campagne incertaine, où était la place d'un simple observateur, aussi respectable et talentueux soit-il ? Quelle garantie y avait-il qu'il saurait garder toute sa discrétion, qu'un mot malheureux ne se mettrait pas en travers du chemin broussailleux de la campagne ? Bravo à l'un d'avoir pris le risque et l'autre de n'avoir jamais failli !
 
L'autre est l'attitude marmoréenne, sous des dehors bienveillants et presque familiers, de l'auteur. Jamais une approbation ni le contraire d'ailleurs. Garder sa place d'observateur blanche de tout sentiment de toute émotion est un témoignage de volonté et de force de caractère exceptionnel que je salue. Mais, en même temps, peut-on se départir ainsi de son ressenti et rester soi-même dans un dialogue humain tel que celui-ci ? Ou alors, la marmite qui bouillait possédait elle une fermeture étanche à toute épreuve ?
 
Quoi qu'il en soit, on retiendra de ce tableau soustrait à l'émotion et à l'expression apparente du désir pour le modèle, une fort belle mise en page de la scène et une perspective assez floutée de l'arrière-plan. On n'en recueille donc que ce qui touche le sujet dans son action, que fixe alors le roman. Que pense un candidat ? Quel est son état d'esprit ? Que doit-il être pour vaincre ? Que doit-il faire pour y parvenir ? Touche après touche l'auteur répond et complète sa toile. Sans doute, aurait-elle été différente avec un autre sujet, mais l'auteur sait néanmoins extraire la part d'universel humain d'une telle conquête du pouvoir. Et c'est bien là la valeur intemporelle de ce roman.
 
J'ai Lu (2007), 160 pages