Si Alexandre Dumas (le père) a écrit un nombre considérable de romans, sa vie en était un autre, tourbillonnant, que Jean-Christophe Rufin nous donne ici à savourer. Riche un temps, pas très long vu son train de vie, Dumas pouvait ensuite tomber dans la misère puis se rétablir un moment, tant qu'il avait l'oreille du public. Il avait aussi un incroyable talent de séducteur qu'il employait à tous propos. Quant à son art de cuisiner, il est presque aussi célèbre que ses écrits ! Le talent de l'auteur donne à tout cela un fumet savoureux qui nous séduit.
On ne peut qu'être frappé à la lecture de cette biographie par le rapport qu'avait Dumas à l'argent. Il ne comptait pas et nul ne le faisait pour lui, malgré ses besoins considérables. Il n'aurait sans doute pas accepté une modération à ses caprices, qui étaient immenses. Train de vie, maîtresses, voyages, propriétés, tout lui fut bon pour une valse sans frein de ses ressources allant jusqu'à la faillite. Il finira sa vie pauvre, très pauvre même, mais aura joui jusqu'à leur épuisement de ses gains.
S'étant lancé par la production quotidienne de feuilletons, il avait presque industrialisé sa production littéraire, ce qui lui fut reproché par des puristes. Lorsque ses besoins financiers grandissaient, il savait pousser cette production pour satisfaire ses créanciers. Il avait avec lui une équipe qui contribuait beaucoup à cette performance, ce qui fut évident quand il se sépara de son fidèle second, Maquet, un historien qui se chargeait de toutes les besognes ingrates, comme dénicher des références, mettre en forme, corriger, etc. Mais le tandem ne résista pas à l'ambition, semble-t-il, excessive, de Maquet de devenir écrivain. Dumas sut souvent reprendre à son compte les idées de celui-ci et d'autres, en leur donnant la force et le charme qui font le succès.
Les voyages de Dumas furent aussi une source considérable de son inspiration. Suisse, Russie, Italie et tant d'autres. Il dit lui-même ce que ses voyages et séjours lui apportent. Et comme il ne restait jamais en place, les apports ont été variés ! On pourrait en dire autant de ses rapports aux femmes. Il fut un séducteur débridé, père ici et là et l'on ne peut douter que, ici aussi, la réalité vécue l'aura aidé à créer sa fiction.
Mais ne manquons pas de souligner le style de l'auteur de ce petit livre, simple, factuel, vivant. La lecture de cette biographie (qui est la mise par écrit d'émissions de radio) est un plaisir constant, tant pour ce qu'on y apprend sur Dumas que pour la façon plaisante dont cela est mis en prose. À ne pas manquer !
Équateurs (2025), 187 pages