dicker 622
 
A trop tirer sur le fil, on lui fait parfois perdre son élasticité. Parfois, même, il se casse. Nous avons là un policier sympathique, bien ficelé, trop bien même, où il me semble souvent que les choses auraient pu être racontées sans une telle avalanche de sauts de temps et d'espace, parfois bienvenus, parfois moins, mais qui étire abusivement le récit. L'intrigue n'en reste pas moins fort originale et captivante, si l'on accepte de faire fi des invraisemblances qu'elle contient. En lisant son texte, je m'imaginais souvent l'auteur heureux de ses trouvailles et s'amusant bien. Au fond, n'est-ce pas l'essentiel quand, comme ici, il nous entraîne dans sa barque ?
 
On ne peut qu'aimer le jeu permanent entre l'imaginaire et le réel que ce roman nous fait vivre. Les personnages sont-ils des fictions ou des fictions de fictions ? Et, ça ne s'arrange pas avec la progression de l'affaire ! Jusqu'à une découverte annoncée autour des pages 420, qui révèle pratiquement la conclusion. La fin n'est plus alors que péripéties un peu circonstancielles. En revanche, la balançoire pratiquée tout au long du livre entre événements actuels et passés à des dates plus ou moins reculées est une réussite, même si parfois sa complexité paraît un peu gratuite.
 
Les personnages et leurs comportements m'ont parfois posé problème. Je ne m'attendais certes pas à trouver là un cours sur la banque, mais le désintérêt manifeste de ces banquiers vis-à-vis de leur job me paraît leur enlever une part de leur crédibilité. On se trouve face à des enfants en train de se partager le gâteau et cela seulement. L'absence de complexité de ces personnages les prive d'humanité. De plus les jeux invraisemblables auxquels ils se livrent, ou se sont livrés, comme on le découvre progressivement, défient les lois de la statistique et de la vraisemblance ! Il faut l'enthousiasme du bon public pour se laisser convaincre...
 
Ce roman révèle néanmoins une qualité de l'auteur, une forme de bienveillance, d'empathie pour ses personnages qu'il ne persécute pas, n'humilie jamais. Cela devient rare et mérite notre salut. L'hommage rendu à l'éditeur Bernard de Fallois par l'auteur est touchant et sincère et traduit les mêmes qualités humaines. On ne peut qu’apprécier.
 
Ce long roman policier, bien écrit, original, se lit facilement et ne nous lâche pas, même s'il semble vouloir nous égarer de temps en temps pour mieux nous épater. Il se lit néanmoins d'une traite et offre un excellent moment de lecture à qui n'y cherche pas le secret de l'harmonie des sphères.
 
De Fallois (2020), 575 pages