dicker livre baltimore

 

Un excellent roman d'une sensibilité extrême (excessive ?) qui joue avec habileté (trop ?) sur la gamme des sentiments. Famille, amitié, amour, ambition, culpabilité... Mais, ça marche et on se plonge dans cette histoire pour aller jusqu'au bout. On ne peut pas toujours lire et relire "Etre et Temps" de Martin Heidegger, n'est-ce pas ?

L'histoire est celle, terrible, d'une famille qui connaîtra une ascension prodigieuse, suivie d'une chute non moins spectaculaire. Autour d'elle gravitent d'autres familles plus ou moins proches dont les enfants forment, par leur amitié, un pôle autour duquel tout va s'ordonner pour le meilleur comme pour le pire, le Gang des Goldman. N'avons-nous pas tous rêvé, adolescents, d'un tel club d'ami(e)s, un peu secret, un peu fou, dont nous pensions les liens éternels ? N'avons-nous pas , dans les moments heureux, senti comme une vague d'extrême puissance et d'éternité nous envelopper ? C'est tout cela que l'on retrouve ici, dans un roman que l'on croirait parfois ciblé sur les adolescents.

Mais, si l'eau du lac est calme en apparence, de violents courants sous-marins l'agitent : ambition, jalousie, amours déçus, amitiés trahies, etc. Ca, c'est le roman, qui en fait beaucoup, beaucoup. On y croit, certes, jusqu'à un certain point. La manière dont Saul va gaspiller se chances me semble incompatible, par exemple, avec la stature et le caractère du personnage tel que décrit dans la première partie. La vilenie de Hillel est si odieuse qu'elle fait question. Et l'amour qui résiste à 7 ans d'absence ? Allez, il faut bien monter une histoire pour mettre en scène le jeu des sentiments et des passions. Soyons tolérants...

En revanche, j'admire le style simple, direct, sans fioriture, qui est celui de JD. Nous sommes là, à Baltimore ou ailleurs, presque invités silencieux, tant l'image est réaliste et proche. C'est à mon avis là que se situe la force de l'auteur. Il ne décrit pas, il reconstitue en 3D et nous invite à se promener dans son hologramme. Une formidable virtuosité qui donne crédibilité à ce qui parfois semble excessif.

Il y a en nous, toujours, et, quel que soit notre âge, une part de fraîcheur qu'un tel livre touche. Ne la boudons pas. Une façon de se prouver que nous ne sommes pas devenus que des "vieux cons", secs et intellos.

de Fallois (2015) - 480 pages