romel musique

 

Cette fiction m'a laissé partagé. Elle est à la fois un hymne à ceux qui s'engagent à en mourir dans l'interprétation musicale et, à ce titre, il nous fait vivre les moments intenses du destin d'un jeune pianiste prodige. Avec, au passage, de belles réflexions sur la musique et sur la vie. Mais on peut aussi haïr cette espèce de Batman du piano qui a toujours raison et humilie son entourage, vedette excessive et romantique du monde des médias, machine à fric, qui en fin de compte apporte bien peu à la vie musicale et écrase ceux qui sont à mi-pente... Le jeune pianiste partagera d'ailleurs ce point de vue très vite pour la conduite de son destin.

 

Soyons clairs, ce vedettariat tapageur n'a rien à voir avec ce qu'apporte la musique à ceux qui l'écoutent ou ont le bonheur d'en jouer. Certes, des individus exceptionnels, doués de mémoire, de sens musical, de capacité technique, etc. existent et donnent des interprétations de grande qualité. Ils peuvent être certains d'une chose : d'autres, un jour, joueront autrement et mieux qu'eux. Ils sont adulés ? Très vite, d'autres prendront leur place et la musique saura sans problème tourner la page. Il n'y a pas d'interprétation ni d'interprètes définitifs, heureusement. Ce n'est pas eux qui sont la musique. Ils surfent avec brio jusqu'à ce qu'ils soient remplacés. Mais, comme l'océan, la musique reste, quel que soit celui qui surfe. J'ai beaucoup plus de respect pour les musiciens qui sont bons (et ils sont extrêmement nombreux), qui ne se prennent pas pour des superhéros, qui ont une vie normale ou presque, dure, parfois injuste et qui savent donner au plus grand nombre et partager leur passion des sons. L'indulgence que l'auteur a pour ces vedettes me semble excessive.

Ne soyons pas injustes non plus. Ce livre se lit avec intérêt et la passion appliquée du jeune prodige est remarquablement mise en scène, pianiste rare, qui aura la chance d'arriver au sommet de ces joutes musicales. La description de l'ambiance des concours dégage un grand sentiment de réalisme, mais s'applique aussi bien à d'autres concours qu'à ceux dédiés à la musique, les spectateurs extatiques en moins. Lesquels, dont la compétence musicale se limite souvent à pouvoir payer payer le prix des places, ne manqueront pas d'ailleurs de porter aux nues un successeur au héros du jour. Snobisme et places hors de prix, enthousiasme obligatoire et rappels à gogo, la fête obligatoire cache souvent une angoisse de rencontrer le vide. Tiens, allez faire un tour dans une galerie un soir de vernissage...

Ceci posé, reconnaissons que le roman finit bien. Notre oiseau exotique va enfin commencer à faire de la musique. On l'encourage, car s'il en a une, c'est ici que commence sa vie humaine. C'est un autre roman, qu'il serait intéressant, un jour, de lire.

Daphnis et Chloé (2016) - 532 pages