Ce livre est l'histoire d'une rencontre probable entre Léonard de Vinci et Machiavel vers 1500. Elle donne à l'auteur l'occasion d'une très belle réflexion sur la rupture historique qu'allait vivre à cette époque l'Italie, en particulier dans l'art de gouverner.
Rencontre probable ? Tout porte à le croire, tant les occasions furent nombreuses. Séjours dans les mêmes lieux, sous l'autorité des mêmes personnages, associations à des projets communs, comme le détournement du cours de l'Arno. On ne doit pas oublier que Léonard était avant tout un architecte militaire et Machiavel un diplomate de rang moyen de la cité de Florence.
Ce qui restera avant tout de ce livre me semble être la conviction affirmée souvent par l'auteur, que suite à la violente intervention française (furia francese), le mode d'organisation des relations entre Etats et celui de la guerre basculent vers un cynisme de la force brute. Le mode médiéval, plus diplomatique, fondé sur l'équilibre, l'honneur et qui faisait de la guerre une sorte de prolongation du tournoi, prend fin. C'est Machiavel qui, dans ses écrits et en particulier "le Prince", montrera le mieux cette évolution fondamentale vers la guerre "citoyenne" devenue "totale" au 19e et 20e s. Léonard de Vinci prendra, lui aussi, conscience de cela dans ses dernières oeuvres, même si, globalement, sa recherche de l'expression de la vérité des sentiments des hommes dans son oeuvre le rend moins sensible à cette évolution collective historique et peut-être par là même, plus contemporain.
La compagnie proposée ici de deux figures-clés de cette époque charnière est un réel plaisir de l'esprit. Nous partageons leurs espoirs et leurs doutes au coeur d'un monde bien loin du nôtre, mais qui l'annonçait. Une lecture de grande qualité.
Verdier (2008) - 155 pages