Le hasard a parfois le beau rôle : devant faire un petit séjour dans cette belle ville (quelques photos ci-jointes en prime), je suis tombé presque par hasard sur ce livre. Je l'ai donc acheté et lu derechef. Pas de regret, c'est une très belle réussite. Il n'est pas facile, à priori, de raconter l'histoire d'une ville, aussi belle soit-elle, en s'aidant exclusivement de mots. Le pari est gagné ; c'est un vrai roman que l'auteur nous sert avec talent.
C'est en fait un roman historique, dont la trame est bien l'histoire de cette ville unique, fondée en 1703 à partir de rien et dans des conditions dures, qui perdra en 1918 son statut de capitale, par la grâce de Lénine (vous ne saviez pas qu'il avait de la grâce, l'inventeur des camps de concentration ? ). J'y ai pour ma part appris beaucoup sur les tsars (et tsarines) qui ont fait la Russie des 18 et 19 èmes siècles et que la pensée politiquement correcte a classés dans les tyrans. Un peu moins sur ceux qui l'ont stérilisée au 20 ème, et que nous connaissons un peu mieux mais dont on hésite encore à étaler la tyrannie meurtrière.
C'est aussi l'occasion de retrouver Pouchkine et Dostoievski, véritables héros de la ville, qui font un peu d'ombre aux autres artistes de qualité que Saint Pétersbourg a produits dans la littérature, la musique, la danse entre autres. Et c'est aussi l'opportunité de se faire un tantinet voyeurs et observer cette faune explosive d'artistes de mages et de charlatans aux pouvoirs de séduction irrésistibles qui ont fait école jusqu'à Paris. Ella Kagan, d'Elsa Triolet allait devenir la muse d'Aragon, après avoir essayé au passage les bras de Maïakowski. Gorki qui avait pris ses distances est rattrapé par les lendemains qu'il chantera, devenu sénile. C'est tout cela et bien autre chose que le lecteur découvrira dans ce livre.
Il y découvrira aussi la profonde originalité de cette ville issue de la volonté des hommes et qui reste incontestablement plus européenne que le reste du pays.
Deux remarques en passant :
- Au 18 ème s., les femmes ont souvent dirigé ce pays, par droit de naissance. Elles ne s'en sont pas plus mal tiré que les hommes. Est-ce une conséquence de nos régimes politiques, en Russie comme ailleurs, qu'elles sont généralement exclues de ce rôle, sauf en Asie, depuis la fin des royautés ?
- Qui dit que la Russie n'a pas vocation à rejoindre l'Europe ? Elle en est infiniment plus proche que la Turquie, en dépit du respect que l'on doit avoir pour ce pays. Que serait l'Europe sans les grands Russes qui ont tant contribué à la façonner ? Citons Kandinsky, Stravinsky ou Chostakovitch, sans parler des mathématiciens ou des physiciens issus de ce pays qui reste, encore aujourd'hui, une grande civilisation que nous, européens, aurions intérêt à aider à s'éveiller de nouveau...
Editions Le Livre de Poche No 15610 (2003) - 310 pages