L'imaginaire religieux est sans borne, comme l'est sa prétention à conduire universellement les hommes, en dépit de la pluralité des voies proposées. Ceci devrait conduire à une grande circonspection. AB propose ici une réflexion sur les religions qui nous sont voisines et sur leur place dans notre monde contemporain. Dangereuses ces religions ? Certes, mais quand on y substitue l'humanité comme transcendance (fascisme, nazisme, hitlérisme, etc.), comme au 20e s., c'est encore pire. Est-ce sans espoir ?
9 éclairages complémentaires
En 9 chapitres AB donne son jugement d'historien sur des questions très diverses, propres aux religions qui nous entourent. Il le fait parfois avec humour et je vous conseille de commencer la lecture du livre par le dernier chapitre sur la "démographie de l'enfer" qui semble, de nos jours, si dépeuplé qu'on pourrait se demander s'il sert encore à quoi que ce soit ! Il n'y pas que des mauvaises nouvelles...
De quoi parle-t-on ?
La lecture du livre n'est pas toujours facile, mais vaut l'effort. Par exemple le chapitre 2 qui pose l'intéressante question du point d'équilibre (l'orthodoxie) de nos grandes religions. Autant le monde juif dispose d'une profonde stabilité (un peu remise en cause par l'idolâtrie du peuple pour lui-même, qu'Israël et la Shoah peuvent faire craindre, ou par l'idolâtrie du Talmud où, comme dit AB, où Dieu n'est pratiquement plus nécessaire), autant les chrétiens cherchent sans cesse leur orthodoxie. Quant à l'Islam, c'est une religion qui ne réclame pas la foi, puisque son dieu décide à chaque instant de chaque événement du monde et est donc une donnée qui ne se discute pas. L'Islam se rapproche plus d'un paganisme et son Dieu d'une idole, que d'une révélation. Ce n'est pas, dit AB, une "religion du livre". La rhétorique y est inutile puisque nul n'échappe à Dieu. Il suffit de la louange. Hitler, dans le mode national et Staline, dans le mode universel, partageaient ce point vue.
L'art chrétien ?
Le chapitre sur l'art "chrétien", outre sa conclusion qu'il n'existe pas, est une occasion pour AB d'un survol de l'art moderne. Le "génie" et le "sublime" qui sortent l'artiste de la nature ressemblent à un iconoclasme, comme l'histoire en a tant connu. L'artiste, ce "génie sublime", voit la réalité suprême sans avoir besoin de l'intermédiation de la nature... Cela rappelle les dodécaphonistes et leur haine du lyrisme ? Ca n'a qu'un temps.
Un catholicisme au cerveau de plus en plus mal irrigué
Plusieurs chapitres vont se consacrer au catholicisme et posent une impertinente question "l'intelligence a-t-elle déserté l'église latine ?" Cela vaut autant pour sa compréhension du monde actuel que pour celle du défunt communisme ou de l'Islam. Cela vaut aussi pour son absence, quand sa voix qui s'est tue aurait pu aider à la prise de conscience du danger. Par exemple, AB montre comment le communisme a été pris au sérieux quand ce n'était qu'un "théâtre" (voir p. 118) qui utilisait les mots bien-pensants de l'occident (syndicats, union des écrivains, etc..) à propos d'institutions de propagande et de contrainte, vides de substance et qui se sont évanouies le jour de la chute du système. Les papes sont tombés dans le panneau... De même, il souligne l'indigence de pensée du pape actuel face à l'Islam, appelant à une reconnaissance réciproque des religions ! Absurdité produire par l'ignorance d'un monde où l'évidence et la prégnance du Dieu imposent la soumission sans partage et la conquête pour agrandir son emprise sur les hommes.
Une référence
Ce ne sont là que des illustrations des questions abordées dans le livre qui, encore une fois, mérite d'être lu et relu. Notre époque qui se croyait débarrassée des dieux découvre que leur absence ou leur substitution par des religions fondées sur l'homme ou la société produisent des monstres. Alors, les vieux dieux profitent de cette sidération et de ce vide pour revenir. Saurons-nous, un jour, concilier ce besoin de principes supérieurs aux jugements capricieux des hommes sans lesquels une société éclate et la mise au tombeau de la magie sournoise et prédatrice des religions ? AB ne se prononce pas...