arefi dentelles tchador

 

Un journaliste franco-iranien, après un séjour en Iran de deux ans (2005 - 2007), raconte la vie quotidienne du peuple telle qu'il l'a vécue et tout particulièrement celle des jeunes. Il avait lui-même 20 ans à l'époque.

 

Il éprouve une forte attirance pour ce peuple aux comportements familiers, souvent enjoués et très chaleureux. Son origine iranienne, le fait qu'il en parle la langue et peut-être son manque de points de comparaison y sont sans doute pour quelque chose. N'a-t-on pas dit la même chose du Liban, de la Syrie, etc. ? Cette gentillesse populaire, dont je ne doute pas, n'est sans doute pas une caractéristique identitaire de ce pays.

Il décrit aussi une assez forte superficialité dans ces relations et éprouvera, après un accueil étourdissant, le sentiment d'un abandon. J'ai connu pour ma part aux USA où j'ai travaillé un an, un sentiment identique. Une fois la première curiosité assouvie, cela n'a rien de surprenant. On le ressent d'autant plus qu'on s'était laissé éblouir... AA va plus loin en stigmatisant une sorte de fourberie bonhomme quotidienne et de manque de parole qui seraient monnaie courante. Diable !

Les femmes vont être un sujet important du livre, en tout cas celles que la coutume religieuse dressée en loi civile dérange. Peut-être doit-on distinguer deux cas.
D'abord la place réduite des femmes dans la conduite de la vie sociale. C'est un fait, mais un pays qui s'est réfugié sous un livre religieux peut-il y y échapper ? Même nous, qui avons abjuré les dieux (et asséché les ressources de leur clergé) en 1789, avons-nous accompli l'équilibre tant vanté ? Absolument pas. Et il y a peut-être des motifs à cet état de fait qui concerne le monde entier, qui ne relèvent ni de la religion, ni de la démocratie, ni du droit des femmes, ni même d'une décision rationnelle. Ce qui, ici et maintenant, est politiquement incorrect d'affirmer, je sais. Montaigne rappelait que le respect des coutumes, sans trop y croire d'ailleurs, est la première sagesse. Notons quand même le taux élevé d'éducation des filles en Iran, impensable dans la majorité des pays du Coran.
Ensuite il y a ces jeunes pour lesquels je n'ai qu'une considération limitée, chatouillés par leur besoin de jouir vite et fort et auxquels notre civilisation occidentale accorde beaucoup de respect. Il est certain que le système islamique d'Iran ne leur facilite pas la vie. On a vite fait de confondre leurs désirs avec les droits de l'homme. A mon avis on se trompe. Le triomphe de la souveraineté du peuple n'est pas de porter des talons à aiguilles ou des mini-jupes. Le jeune AA, arrivé de France, tombe dans le panneau.

Il reste le plus important, le fait que le régime d'Iran, comme ceux de tous les pays encore trop instables pour fonder le droit sur le peuple souverain, n'est pas système où la loi s'impose devant le pouvoir des hommes. Avec comme conséquence qu'un jeune homme ayant vécu en France et persuadé du caractère universel de la démocratie et des "Droits de l'homme" sur lesquels elle se fonde, se trouve horrifié par ce qu'il observe là où cette lente construction d'un Etat de droit n'est pas faite. On peut comprendre son indignation ; on peut craindre qu'elle soit stérile. Puis-je, à ce sujet faire quelques remarques ?

Que le régime n'accepte pas la contestation de la rue sur ce qu'il estime être son essence est une chose. Qu'il ait recours à des méthodes dégradantes est intolérable, en particulier avec la couverture d'autorités ecclésiastiques se prétendant morales. Qu'il le cache et mente sur les faits prouve sa propre honte, ce qui d'une certaine manière est rassurant. En procédant ainsi il ne fait rien pour se rendre respectable.

Le véritable risque pour ce régime est de devenir "ringard" et de se faire balayer par son peuple. Or il me semble au contraire qu'il a une chance pour éviter ce divorce. Au contraire de nos démocraties, il dispose du temps long et peut entreprendre des changements de fond, s'il le veut et s'il en a la compétence. Ajoutons à cela un peuple éduqué qui peut comprendre et participer. Le premier changement est alors la mise en place d'institutions où, peu à peu, le peuple pourrait jouer un rôle et reprendre ainsi confiance dans ceux qui le dirigent. Il me semble peu probable que, sans ces changements qui lui donneraient une fonction, le peuple accepte toujours la situation présente, quitte à replonger dans les travers des dictatures. Casser ce cercle vicieux est à mes yeux la mission de ce peuple, qui y trouverait ainsi, sans renier brutalement ses racines, sa place dans le jeu des nations et surtout au Moyen-Orient.

Pocket (2009) - 478 pages